Immigration, quelle réalité en France ? (Note)

Résumé : 
- La population immigrée représente aujourd’hui 8,9 % de la population totale de la France.
- Elle a connu une croissance modérée au cours des dernières années.
- La France n’accueille pas plus d’immigrés que ses voisins européens.
- Le profil des immigrés a évolué et les immigrés sont de plus en plus éduqués. 
- Les immigrés sont davantage touchés par le chômage que les natifs.
 
 
En pleine crise des migrants en Europe, beaucoup de choses sont dites concernant l’immigration et ses impacts présumés. Afin de comprendre quels sont les enjeux liés à l’immigration, il est essentiel de revenir sur la réalité de ce phénomène et sur ces conséquences en s’appuyant sur des chiffres et des études de qualité. Dans ce premier article, nous revenons sur l’évolution de l’immigration en France afin de répondre aux idées reçues qui sont souvent démenties par les faits. 
Avant toute chose, il est nécessaire de préciser ce que l’on entend par immigré. Il s’agit, selon la définition officielle de l’INSEE, de toute personne née étrangère à l’étranger. La population immigrée est donc définie par la nationalité à la naissance et toute personne née à l’étranger restera immigrée même si elle a acquis par la suite la nationalité française. Compte tenu du fait que les données sur l’immigration clandestine ne sont par définition pas connues, l’ensemble de cet article se base sur l’immigration légale. Pour information, diverses sources estiment qu’entre 200 000 et 550 000 personnes vivent en France en situation irrégulière (Chojnicki et Ragot, 2012). 
 
Une hausse massive de l’immigration en France ? 
Une première idée reçue prétend qu’il y a eu une immigration massive en France ces dernières années. La réalité dessinée par les données offre cependant une vision bien différente. Selon les dernières données disponibles de l’INSEE, la population immigrée a augmenté de 700 000 entre 2006 et 2014. En 2014, les immigrés représentaient 8,9 % de la population française totale. Si l’on compare avec la situation de 2006, l’immigration a connu une hausse somme toute raisonnable de 0,8 point de pourcentage. Même si l’on regarde à très long terme, en 91 ans, la part des immigrés dans la population totale n’a augmenté que de 5 points (Graphique 1). Il est cependant important de noter que les données officielles s’arrêtent en 2014 et que la crise des migrants a connu un tournant majeur en 2014-2015. 
 
Graphique 1: Place de l’immigration dans la population totale en France
Sources : Auteur, données de l’INSEE, BSI Economics
 
La France accueille-t-elle plus d’immigrés que les pays voisins ? 
Il n’y a donc pas eu de hausse impressionnante de l’immigration en France ces dernières années. Cela est d’autant plus vrai quand les données françaises sont comparées avec celles d’autres pays (Graphique 2). Le nombre de personnes ayant immigrées en France est inférieur à celui du Royaume Uni et de l’Allemagne. En fait, la part de la population née à l’étranger dans la population totale est plus faible en France que chez beaucoup de ses voisins (Graphique 3). La France n’accueille donc en aucun cas plus de migrants que ses voisins européens. 
 
 
Les immigrés sont-ils sous-qualifiés ? 
Les immigrés sont souvent accusés d’être sous-qualifiés et d’être davantage au chômage que les natifs ce qui génère une peur quant aux coûts budgétaires de l’immigration. Si les immigrés ont en moyenne un niveau d’éducation inférieur aux natifs, ils sont aussi nombreux à avoir un diplôme de cycle long (Graphique 4). De plus, tout comme les non-immigrés, les immigrés sont de plus en plus éduqués. Ainsi, en 1990, plus de 60 % des immigrés n’avaient aucun diplôme ou que le CEP alors qu’en 2008 ils étaient moins de 40 %. 
 
Graphique 4 : Répartition de la population entre 30-49 ans par diplôme en France
 
Les immigrés sont-ils plus touchés par le chômage ? 
Le taux d’activité des immigrés est similaire à celui des natifs. Ainsi, en 2012, 59 % des immigrés avaient un emploi ou étaient au chômage contre 58 % des natifs (INSEE, recensement de 2012). Cela s’explique par les écarts en termes de structure par âge. Les immigrés sont en effet en moyenne plus jeunes et surreprésentés dans les classes d’âge les plus actives (Graphique 5). 
 
Graphique 5 : Répartition par âge de la population en France en 2012
Sources : Auteur, données de l’INSEE du recensement de la population de 2008, BSI Economics
 
Parmi les actifs, les immigrés sont cependant surreprésentés dans le chômage. Ainsi en 2012, 22 % des immigrés actifs étaient au chômage contre 12 % des natifs (INSEE). Les immigrés venant de pays hors de l’Union Européenne sont davantage touchés par le chômage ce qui peut expliquer pourquoi les discours se focalisent souvent sur le coût de l’immigration. 
 
Conclusion
L’immigration est un phénomène largement discuté dans le débat public et pourtant souvent bien mal connu. Premièrement, les chiffres démentent l’idée d’une augmentation massive de l’immigration en France ces dernières années. De plus, par rapport à ses voisins européens, la France n’accueille pas plus de migrants. Si les immigrés ont en moyenne un niveau d’éducation plus faible que les natifs, il n’en demeure pas moins qu’ils sont aussi nombreux que les non-immigrés à avoir un diplôme de cycle universitaire long et qu’ils sont de plus en plus éduqués. Enfin, les immigrés sont plus touchés par le chômage ce qui peut générer des coûts budgétaires supplémentaires. Dans un prochain article, nous reviendrons en détail sur l’effet de l’immigration sur le marché du travail et sur le budget national. 
 
Bibliographie 
- Chojnicki, X., & Ragot, L. (2012). L'immigration coûte cher à la France. Editions Eyrolles.

Diplômée de l'ESCP Europe ainsi que de l'Université Paris-Dauphine où elle a obtenu une thèse en Sciences économiques, Marine est actuellement maître de conférénce à l'Université Paris-Est Marne-La-Vallée. Elle est également chercheuse associée à DIAL, une unité mixte de recherche entre l'Université Paris-Dauphine et l'Institut de Recherche pour le Développement. Ses principaux centres d'intérêt portent sur les problèmatiques relatives à l'économie du développement, l'économie de l'éducation et l'évaluation des politiques publiques. Marine De Talancé est membre du comité éditorial.

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