Congés maternité, paternité et parentaux : sont-ils réellement efficaces ? (Note)

Résumé :

  • Les congés à disposition des parents lors de la naissance des enfants ont un impact positif sur la santé des enfants mais aussi, dans le cas des congés maternité, sur la santé des mères ;
  • Prendre un congé maternité peut avoir un effet positif sur les salaires des femmes et sur leur participation sur le marché du travail, à condition que celui-ci ne dure pas trop longtemps ;
  • Si les congés sont réservés aux mères, ou principalement utilisés par celles-ci, ils risquent d’augmenter les inégalités de genre sur le marché du travail ;
  • Ces congés ont un coût relativement faible pour les employeurs.

Cet article revient sur les effets attendus et avérés des congés disponibles à la suite de la naissance d’un enfant. Il examine non seulement les impacts sur la santé des enfants et de leur mère mais aussi sur le marché du travail et sur les employeurs.

Dans un grand nombre de pays, les parents peuvent prendre des congés, souvent payés, suite à la naissance d’un enfant (voir l’article BSI Economics : Congés maternité, paternité et parentaux : où se situe la France ?). A l’origine, l’instauration des congés maternité avait pour objectif de protéger les mères sur le marché du travail.  Par la suite, certains pays ont également introduit des congés parentaux et paternité. Ces dispositions légales sont non seulement censées protéger les mères mais aussi assurer le bien-être des enfants et promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes sur le marché du travail. Toutes ces politiques ont néanmoins un coût, puisqu’il faut bien financer ces congés quand ils sont payés. Se pose dès lors la question de l’effet de ces lois et de leur pertinence.

 Ces congés améliorent-ils la santé des enfants et des mères ?

Théoriquement, les congés disponibles suite à une naissance, notamment quand il s’agit de congés payés, sont censés permettre aux parents de passer plus de temps avec leur nouveau-né sans craindre une baisse significative de revenus. Ce temps passé avec l’enfant est supposé avoir un effet positif sur son développement et sa santé. Sur ce sujet, la littérature est plutôt unanime et s’accorde pour reconnaître que c’est le cas. Des politiques plus généreuses en termes de congés permettent notamment une baisse de la mortalité infantile.[1] Ces congés libèrent du temps qui peut être utilisé pour les soins postnatals (vaccinations et autres) ou encore, dans le cas de congés maternité, allaiter plus longtemps.

Au-delà de la santé des enfants, les congés maternité sont supposés protéger les femmes et leur permettre de se remettre de leur accouchement avant de retourner sur le marché du travail. Il y aurait donc un lien potentiel entre congé maternité et santé des mères. Cette relation semble être validée par les faits puisqu’on observe chez les mères ayant pris un congé une baisse du risque de dépression post-partum et une meilleure santé physique (Heymann et al. ; 2017).

Ces congés protègent-ils vraiment les femmes sur le marché du travail ? 

L’objectif initial des congés maternité était de faciliter le retour des femmes sur le marché du travail après leur accouchement en leur garantissant un emploi et un salaire. On s’attend donc à un impact positif sur les salaires et la participation des femmes au marché du travail. Il existe de nombreuses études sur cette question dans les pays développés qui vont dans ce sens : les femmes protégées par des congés maternité ont plus de chances de retourner sur le marché du travail et d’y avoir des salaires plus élevés. Certaines de ces études sont résumées dans l’article de Heymann et al. (2017). En augmentant la participation au marché du travail des femmes[2] , ces politiques peuvent donc stimuler la croissance, un aspect qu’il est important de prendre en compte lorsque l’on s’intéresse aux coûts de telles mesures.

Il est néanmoins nécessaire de nuancer ce propos. En effet, de longues périodes d’absence peuvent entraîner une perte de compétences et nuire à l’employabilité des femmes ainsi qu’à leurs perspectives de carrière. Rossin-Slater (2017) montre ainsi que si les congés maternité durant moins d’un an permettent d’assurer la continuité de l’emploi des mères, il en va différemment des congés plus longs qui nuisent au contraire à leur carrière. Se pose alors la question de la durée optimale du congé.

Ces congés diminuent-ils les inégalités de genre ? 

Si les congés maternité peuvent améliorer la situation des femmes sur le marché du travail en assurant une certaine continuité, ils peuvent également entraîner un effet de sélection sur ce même marché du travail qui viendrait aggraver les inégalités entre les hommes et les femmes. En effet, si seules les femmes peuvent bénéficier des congés parentaux, les employeurs pourraient privilégier les candidats masculins au moment des recrutements. Cet effet potentiel de sélection ou de discrimination à l’emploi pourrait dès lors atténuer les potentiels effets positifs énoncés ci-dessus. De plus, si seules les femmes prennent des congés, cela peut renforcer les stéréotypes de genre en sous-entendant que les mères sont responsables des enfants et les pères du salaire. La façon dont sont conçues les politiques de congés parentaux a donc un effet non négligeable sur les inégalités de genre. Une question particulièrement importante en France où l’égalité entre hommes et femmes sur le marché du travail est encore loin d’être atteinte. Ainsi, en 2017, le Forum économique mondial a placé la France en 64ème position en matière d’égalité entre les genres sur le marché du travail. Parmi les variables qui posent un problème, on peut notamment citer le taux d’actifs, la parité aux plus hauts postes et le temps partiel (Graphique 1).

Le congé paternité instauré en 2002 en France pourrait donc être une étape vers une plus grande égalité de genre. Néanmoins, il ne suffit pas d’autoriser les hommes à prendre des congés parentaux puisque même quand ils sont disponibles, bien souvent peu de pères les prennent (voir l’article BSI, Congés maternité, paternité et parentaux : où se situe la France ?). Ceci s’explique principalement par les inégalités salariales qui restent bien souvent en défaveur des femmes. Dès lors que le congé parental entraîne une perte de revenu (taux de remplacement inférieur à 100 %), il est rationnel que ce soit le membre du ménage le moins bien payé, donc souvent la femme, qui le prenne. Pour s’assurer que les congés sont partagés entre les deux parents et ainsi éviter d’aggraver les inégalités de genre, une solution qui a fait ses preuves consiste à réserver une partie du congé parental pour les pères (« use-it-or-lose it »). La Norvège a introduit en 1993 un « daddy quota » garantissant quatre semaines de congés aux pères parmi les 52 semaines disponibles.  Quelques études récentes ont montré que de telles politiques pouvaient réduire les inégalités de genre. Ainsi, le « daddy quota » norvégien a favorisé un partage égal des tâches domestiques entre les hommes et les femmes (Kotsadam & Finseraas, 2011).

Des congés coûteux ?

Evidemment, qui dit congés payés dit financement de ces congés. Si ces coûts sont à la charge des employeurs, on pourrait craindre un effet négatif sur l’emploi. Néanmoins, dans les pays développés, ces politiques ne sont pas financées par les employeurs mais en grande majorité par la sécurité sociale, l’objectif étant d’éviter de faire peser le coût de ces politiques sur les employeurs pour limiter les discriminations contre les femmes (ILO, 2014).

En France, tous les congés – maternité, paternité et parentaux – sont financés par la sécurité sociale. Les employeurs ne supportent donc pas le coût direct de ces mesures. Néanmoins, il peut exister des coûts indirects. Par exemple, il peut être difficile de trouver un remplaçant temporaire et de le former. Il existe peu d’études qui se sont intéressées à cet aspect des choses. Toutefois, quelques études, reprises par Rossin-Slater (2017), se sont intéressées à l’impact de l’introduction de congés parentaux dans certains Etats des Etats-Unis comme le New Jersey ou la Californie. Elles ne trouvent aucun effet négatif sur la productivité des travailleurs ou sur la profitabilité des entreprises. Reste néanmoins à souligner que davantage de preuves empiriques sur cette question seraient bienvenues.

Le corollaire de ce mode de financement par l’Etat est bien sûr un coût en termes de finances publiques.  L’OFCE estime que les indemnités journalières liées à la maternité ont un coût de 3 milliards d’euros (274 millions pour les congés paternité et 2 milliards pour les congés parentaux). Réformer le congé paternité dans un objectif d’égalité entre les genres aurait donc un coût. Par exemple, si en France le congé paternité actuel devenait obligatoire, le coût supplémentaire pour les finances publiques serait de 129 millions d’euros (OFCE, 2017). Néanmoins, reste à savoir si les effets bénéfiques, via notamment la participation des femmes au marché du travail, ne dépasseraient pas les coûts d’une éventuelle réforme. De plus, une possibilité consisterait à transférer une partie du congé maternité post-natal au père, ce qui serait neutre pour les finances publiques. 

Conclusion

De nombreux pays ont mis en place des congés maternité, parentaux et paternité dans l’optique d’améliorer la situation des femmes sur le marché du travail. Si ces politiques ont un coût en termes de finances publiques, leurs effets sur de grandes variables comme la santé, la situation sur le marché du travail est loin d’être négligeables. Elles semblent ainsi améliorer la santé des enfants mais aussi, dans le cas des congés maternité, celle des mères.

Concernant le marché du travail, les congés maternité peuvent améliorer la situation des femmes à condition que la durée de ces congés ne soit pas trop longue. Pour éviter un potentiel effet de discrimination à l’emploi, il est nécessaire que les congés soient partagés entre les deux parents et non pas uniquement pris par les femmes. Ce résultat implique la mise en place de politiques spécifiques (« daddy quota » par exemple) afin de s’assurer que c’est le cas. En ce sens, le congé paternité instauré en 2002 en France semble aller dans le bon sens même si des barrières demeurent (stéréotypes de genre par exemple).

Les congés mis à disposition des parents lors de la naissance d’un enfant peuvent donc avoir des effets positifs même s’il est important pour cela de s’assurer de leur bonne mise en place et structure.

Heymann, J., Sprague, A. R., Nandi, A., Earle, A., Batra, P., Schickedanz, A., ... & Raub, A. (2017). Paid parental leave and family wellbeing in the sustainable development era. Public health reviews, 38(1), 21.

International Labour Organization. (2014). Maternity and paternity at work : law and practice across the world. International Labour Office. Geneva: ILO.

Kotsadam, A., & Finseraas, H. (2011). The state intervenes in the battle of the sexes: Causal effects of paternity leave. Social Science Research, 40(6), 1611-1622.

OFCE, Périvier, H. (2017) Réduire les inégalités professionnelles en réformant le congé paternité. Policy brief

Rossin-Slater, M. (2017). Maternity and family leave policy (No. w23069). National Bureau of Economic Research.


[1] Voir l’étude d’Heymann et al. (2017) pour une revue de la littérature.

[2] En 2017, 68 % des femmes entre 15 et 64 ans sont économiquement actives contre 63 % en moyenne dans les pays de l’OCDE.

Diplômée de l'ESCP Europe ainsi que de l'Université Paris-Dauphine où elle a obtenu une thèse en Sciences économiques, Marine est actuellement maître de conférénce à l'Université Paris-Est Marne-La-Vallée. Elle est également chercheuse associée à DIAL, une unité mixte de recherche entre l'Université Paris-Dauphine et l'Institut de Recherche pour le Développement. Ses principaux centres d'intérêt portent sur les problèmatiques relatives à l'économie du développement, l'économie de l'éducation et l'évaluation des politiques publiques. Marine De Talancé est membre du comité éditorial.

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