France : devons-nous prendre en compte les variations de l’euro pour la politique de croissance ?

Résumé:

- La demande domestique est le facteur le plus contributif au PIB français.

- La compétitivité hors prix, et non prix (effet change), est l’enjeu structurel majeur de la stratégie exportatrice française.

Selon les prévisions hivernales 2013 de la commission européenne, la contribution des exportations au PIB de la France en valeur est de 27% contre 81% pour la consommation privée. En 2014, le solde de la balance commerciale (différence entre les exportations et les importations)connaitra une croissance annuelle de -0,2% contre +1,4% pour la demande domestique alors même que les exportations augmenteront de 4,7% et les importations de 5%.

Faut-il ainsi favoriser une réduction des coûts des importations (appréciation de l’euro) ou une réduction de notre compétitivité prix aux exportations (dépréciation de l’euro) ?

Une première approche est de considérer que la consommation est le facteur le plus contributif au PIB (57% de consommation privé et 24% de consommation publique). Une augmentation du taux de change effectif réel augmenterait l’attractivité des biens importés et produits hors zone euro par rapport aux biens produits en zone euro.

Une stratégie de croissance qui semblerait plus pragmatique serait orientée sur une croissance positive des facteurs de la demande domestique (hausse du pouvoir d’achat, baisse des coûts de l’énergie importée) donc l’appréciation de l’euro serait plus favorable à l’économie française.

Une seconde approche est de considérer que notre capacité à exporter ne repose pas sur notre compétitivité prix mais sur notre compétitivité hors prix. Autrement, il serait difficile de justifier pourquoi l’Allemagne a une contribution des exportations au PIB de 50% contre 27% pour la France.  La spécialisation internationale sectorielle de la France sur le milieu de gamme rend les entreprises plus sensibles à la concurrence prix qu’à la concurrence hors prix. Une caractéristique qui a amené ces entreprises, depuis les années 2000, à diminuer leurs marges de 30% puis à diminuer leur taux d’autofinancement de 85 à 64%. Deux facteurs qui limitent les activités de recherche et développement, sources d’investissement en productivité. Le manque de compétitivité hors-prix résulte d’une spécialisation sectorielle exposant trop fortement l’industrie française à la compétitivité prix donc à l’effet change, ce qui justifie pourquoi la sensibilité des exportations à l’évolution du change euro-dollars est plus forte en France qu’en Allemagne. Une appréciation de l’euro accentue le manque de compétitivité des exportations sur les marchés internationaux tandis qu’une dépréciation n’apportera pas d’amélioration structurelle.

La compétitivité des entreprises exportatrices doit donc être focalisée sur la compétitivité hors prix : l’évolution du taux de change effectif réel n’est donc pas nécessairement un déterminant de la compétitivité française à long terme.

Références:

Prévisions économiques européennes, Commission Européenne, hiver 2013.

 

Diplômé de l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, de l'Ecole d'Economie de Toulouse et formé au Centre d'études des politiques économiques (ENSAE), Arthur Jurus est directeur des investissements chez ODDO BHF Suisse après avoir été chef économiste de Landolt & Cie, économiste au Crédit Agricole, à la Société Générale, à la Caisse des Dépôts, chez Mirabaud Asset Management et au sein du groupe Edmond de Rothschild. Il a également enseigné à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Intervenant dans différents médias francophones et anglosaxons, Arthur Jurus est vice-président de l'association des stratégistes de Genève (ISAG) et Président de BSI Economics.

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