Congés maternité, paternité et parentaux : où se situe la France ? (Note)

Résumé :

  • Les dispositions légales à la disposition des parents au moment de la naissance d’un enfant en termes de congés varient grandement entre les pays de l’OCDE ;
  • La France se situe plutôt dans la moyenne en termes de congés réservés aux mères, avec une meilleure indemnisation néanmoins pour le congé maternité ;
  • En ce qui concerne les congés disponibles pour les pères, la France est plutôt généreuse comparée à ses voisins ;
  • Dans la pratique néanmoins, les pères utilisent moins souvent ces congés à leur disposition et moins longtemps.

Cet article propose un état des lieux et une analyse comparative sur les politiques en termes de congés payés disponibles dans les pays de l’OCDE et sur leur utilisation. Il examine notamment les différences de genre et les sources potentielles expliquant le faible taux d’utilisation de ces congés par les hommes.

Depuis plus d’un siècle, de nombreux pays développés ont adopté des dispositions législatives visant à protéger la maternité au travail en instaurant notamment des congés de maternité. Dans un contexte marqué par une participation croissante des femmes sur le marché du travail, l’objectif premier de ces lois étaient avant tout de protéger la santé physique de ces femmes et de leurs enfants. Plus récemment, un certain nombre de pays industrialisés ont également instauré des congés parentaux et de paternité. Au-delà de l’effet supposé sur la santé des femmes et leurs nouveau-nés, ces politiques ont pour objectif de garantir la productivité des femmes et de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes au travail. La France ne fait pas exception à cette règle puisqu’un congé paternité de 11 a jours a notamment été mis en place en 2002. Actuellement, la directive européenne « équilibre entre vie professionnelle et vie privée » visant notamment à instaurer de nouvelles normes minimales pour le congé de paternité - 10 jours ouvrables rémunérés à un niveau défini par l’Etat membre – et à actualiser la norme minimale pour le congé parental fait l’objet d’un débat.  

Des dispositions légales moins généreuses en France ?

Les dispositifs légaux pour protéger directement les femmes pendant la période de maternité consistent en deux types de congés :

  1. Le congé maternité qui protège l’emploi des femmes juste avant et juste après la naissance et ;
  2. Le congé parental qui vient souvent étendre la durée pendant laquelle l’emploi est protégé. A l’exception des Etats-Unis, tous les pays membres de l’OCDE ont instauré une période de congé maternité payé.

Cependant, les congés à disposition des femmes sont très hétérogènes entre les pays non seulement en termes de durée mais également en termes de compensation salariale.  Les données fournies par l’OCDE nous permettent de comparer les congés payés dont disposent les femmes suite à une maternité dans les différents pays de l’OCDE en étudiant non seulement leur durée totale mais également leur équivalent pour une rémunération à taux plein (graphique 1 (a)). Avec une durée de 16 semaines, la France se situe juste en dessous de la moyenne européenne même si en termes de rémunération, le système français est plus généreux que dans beaucoup de pays. 

Outre les congés réservés à la mère, environ deux-tiers des pays de l’OCDE ont instauré des congés paternité autorisant les pères à prendre quelques jours juste après la naissance de l’enfant. Ces congés sont généralement de courte durée mais relativement bien rémunérés. En la matière, le Portugal est le pays de l’OCDE le plus généreux avec ses 20 jours ouvrés payés à 100 % dont la moitié sont obligatoires (graphique 1 (b)).  Dans ce domaine, la France fait plutôt figure de bon élève avec ses deux semaines de congés de paternité1.

Graphique 1 : Congés maternité et paternité payés

Notes : Données de 2016. La durée en équivalent taux de rémunération à 100% combine les informations sur la durée totale du congé et le taux de remplacement (proportion des revenus nets indemnisés pendant le congé) pour estimer la durée du congé payé à taux plein.

Source : BSI Economics, Auteur utilisant les données de l’OCDE.

Aux congés maternité et paternité s’ajoute souvent le congé dit parental qui permet à un (ou les deux) parents d’allonger la période de congés afin de de s’occuper plus longtemps de leurs enfants, parfois jusqu’à leur deuxième ou troisième anniversaire.  Si ces congés sont souvent de plus longue durée que le congé maternité, ils sont généralement moins bien rémunérés (OCDE, 2016). Ainsi en France, les femmes et les hommes peuvent prendre un congé parental de 26 semaines et le taux de rémunération moyen est de 14,5 %. Si en termes de congé parental la France est moins généreuse que celle de nombreux pays de l’OCDE en ce qui concerne les femmes, il en va différemment pour les hommes (graphique 2).

Graphique 2 : Congé parental rémunéré

Notes : Données de 2016. La durée en équivalent taux de rémunération à 100% combine les informations sur la durée totale du congé et le taux de remplacement (proportion des revenus nets indemnisés pendant le congé) pour estimer la durée du congé payé à taux plein.

Source : BSI Economics, Auteur utilisant les données de l’OCDE.

Quelle réalité ?

Au-delà des dispositions législatives, la proportion de mères et de pères qui prennent effectivement des congés parentaux varie grandement d’un pays à un autre. Quasiment toutes les mères ont recours à un congé maternité, au moins juste après la naissance de leur enfant (Moss, 2015).  De fait, il est même obligatoire dans certains pays comme la Belgique ou la France, de prendre quelques jours après la naissance de l’enfant.

Dans les pays où le congé paternité existe et où l’on dispose de données adéquates, ils sont souvent utilisés par les pères notamment dans les pays nordiques (graphique 3).

Graphique 3 : Nombre de bénéficiaires d’un congé paternité payé pour 100 naissances

Notes : Données de 2013.

Source : BSI Economics, Auteur utilisant les données de l’OCDE.

La situation est bien différente si l’on regarde la distribution par genre des congés parentaux. Souvent utilisés par les femmes, ces congés ne sont que rarement réclamés par les hommes, notamment en France (Graphique 5). De plus, quand les hommes prennent ces congés, leur durée est souvent plus courte, y compris dans les pays nordiques (OCDE, 2016).

Graphique 4 : Distribution par genre des bénéficiaires du congé parental payé

Notes : Données de 2013.

Source : BSI Economics, Auteur utilisant les données de l’OCDE.

Les raisons avancées pour expliquer ces différences entre les pays, notamment celles relatives à leur utilisation par les pères, sont multiples.  Tout d’abord, les normes sociales concernant le rôle supposé des pères et des mères expliquent en partie pourquoi encore aujourd’hui peu d’hommes prennent des congés parentaux (OCDE, 2016). Ainsi, en 2012, à l’exception de 6 pays dont la France, plus de la moitié2 des individus interrogés dans le cadre du Programme International d'Enquêtes Sociales déclaraient également que les congés payés devraient être pris entièrement ou en grande partie par la mère. Une autre raison expliquant ce faible taux de participation est d’origine financière, les femmes gagnant généralement moins que leurs partenaires, y compris dans les pays de l’OCDE où l’écart de salaire est de 14 % en moyenne. Sur ce point, les initiatives, de plus en plus populaires, consistant à réserver des périodes spécifiques de congés parentaux pour les pères, telle la politique en Suède introduite en 1995 du « daddy quota », semblent être efficaces (Duvander et Johansson, 2012).

Conclusion

Les dispositions légales à la disposition des parents au moment de la naissance d’un enfant en termes de congés varient grandement entre les pays de l’OCDE. Si la France se situe plutôt dans la moyenne en termes de congés réservés aux mères, avec une meilleure indemnisation néanmoins pour le congé maternité, elle est plutôt généreuse comparée à ses voisins en ce qui concerne les congés disponibles pour les pères. Dans la pratique néanmoins, les pères utilisent moins souvent ces congés à leur disposition et moins longtemps. Cet état des lieux, nous invite à nous poser la question des effets de telles politiques, sujet que nous aborderons dans notre prochain article.

Duvander, A. Z., & Johansson, M. (2012). What are the effects of reforms promoting fathers’ parental leave use?. Journal of European Social Policy, 22(3), 319-330.

OCDE (2016). OECD Family Database. Use of childbirth-related leave by mothers and fathers

Organisation Internationale du Travail, 2014, Rapport « La maternité et la paternité au travail : législation et pratique dans le monde »

Moss,  P.  (ed.) (2015). International   Review   of   Leave   Policies   and   Research   2015

http://www.leavenetwork.org/lp_and_r_reports/

1Instauré en 2002, le "congé de paternité et d’accueil du jeune enfant" est actuellement de onze jours consécutifs, dix-huit en cas de jumeaux ou triplés, auquel s’ajoute un congé de naissance de trois jours.

2Il s’agit des individus se déclarant en faveur de l’existence de congé payé 

Diplômée de l'ESCP Europe ainsi que de l'Université Paris-Dauphine où elle a obtenu une thèse en Sciences économiques, Marine est actuellement maître de conférénce à l'Université Paris-Est Marne-La-Vallée. Elle est également chercheuse associée à DIAL, une unité mixte de recherche entre l'Université Paris-Dauphine et l'Institut de Recherche pour le Développement. Ses principaux centres d'intérêt portent sur les problèmatiques relatives à l'économie du développement, l'économie de l'éducation et l'évaluation des politiques publiques. Marine De Talancé est membre du comité éditorial.

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