Etat de l’entrepreneuriat en 2017 (Note)

Résumé :

·         La création d’entreprise résulte d’une identification de profits à saisir ;

·         En 10 ans, l’économie française a fait preuve d’un remarquable dynamisme entrepreneurial ;

·         La perception de nouvelles opportunités de profit diffère sensiblement de la perception du climat des affaires ;

·         Le cadre institutionnel s’avère déterminant à la dynamique entrepreneuriale.

Si la question de l’entrepreneuriat est au cœur des politiques publiques actuelles, c’est que les dynamiques de création d’entreprises et d’innovation fournissent bien souvent une mesure intéressante de la capacité de résilience d’une économie, à savoir, son aptitude à renouer avec une trajectoire de croissance.  

Cela tient notamment aux prédispositions de l’entrepreneur à identifier les opportunités de profit et à les saisir, cette acuité particulière que la théorie moderne nomme « l’alterness » (Kirzner, 1973 ; 2005). Dans cette seconde partie (voir « Qui est l’entrepreneur ? ») nous proposons d’illustrer sur la dynamique entrepreneuriale des 15 dernières années en France en présentant plusieurs faits stylisées.

En France, un climat des affaires incertain post-crise                             

Retenir l’idée d’alterness (Kirzner, 1973 ; 2005) pour définir l’entrepreneur conduit à s’interroger sur la notion d’opportunité de profit et les moyens de la mesurer. Une opportunité de profit pourrait se définir comment une situation propice à l’investissement de ressources dans le but de générer un bénéfice net. Côté mesure, l’indicateur du climat des affaires (ICA)[1] élaboré par l’INSEE sur la base de déclaration de chefs d’entreprises, offre une certaine visibilité sur l’orientation des perspectives de profit à long terme de la part des agents présents sur le marché.  

L’ICA s’est ainsi avéré relativement volatile sur la période 2006-2016, marquée par une crise financière, une crise économique et une crise de la dette. Il traduit une incertitude certaine quant aux opportunités de profit du marché sur la période. Toutefois, la stabilité observée entre septembre 2015 et décembre 2016 laisse présager un certain regain d’optimisme au premier trimestre 2017.

Des intentions entrepreneuriales biens orientées en France

Qu’en est-il de la tendance entrepreneuriale dans ce climat d’incertitude ? En mobilisant les données du General Entrepreneurship Monitor (GEM)[2] , on s’aperçoit que la France s’illustre par un dynamisme des intentions entrepreneuriales sans précédent (graphique 2), tandis que celles-ci stagnent jusqu’à l’été 2009 chez ses voisins européens. Ces intentions entrepreneuriales traduisent une perception des opportunités[3] (base 100 en 2001) particulièrement bien orientée en France à partir de 2006 (graphique 3).

Ce dynamisme observé en France tient pour partie à un niveau particulièrement faible en 2001[4] des intentions entrepreneuriales, qui semble conduire à un effet « rattrapage » sur ses voisins à partir de 2005. On observe conjointement une croissance sans équivalence dans les autres pays, du nombre de 18-64 ans qui déclarent avoir les compétences d’entreprendre une activité (graphique 4). Parallèlement, la part des 18-64 ans déclarant l’entrepreneuriat comme un choix de carrière désirable, connait en France un dynamisme sans précédent sur la période 2002-2016 (graphique 5)

Une dynamique de création d’entreprises sans égale dans les pays de l’OCDE

En France, il en résulte une dynamique de création d’entreprises sans égale dans les autres pays de l’OCDE sur la période 2007-2011, pourtant marquée par les conséquences de la crise financière. Ces différents faits stylisés appellent au moins trois commentaires. Dans un contexte de crises successives (financière, économique, et crise de la dette publique) sur la période 2007-2016, la dynamique entrepreneuriale est loin d’être homogène au sein des pays européens et de l’OCDE. La France, qui tire son épingle du jeu, a mis en place le statut d’auto-entrepreneur en 2008. Cette forme d’entreprise individuelle, qui facilite la gestion administrative, ressort comme un élément plausible de cette réussite, et illustre la place centrale du cadre institutionnel comme déterminant de la dynamique entrepreneuriale globale d’une économie. 

On observe également une tendance qui peut paraître contre intuitive de prime abord, lorsqu’on étudie les indicateurs d’intentions entrepreneuriales ou d’entrepreneuriat comme bon choix de carrière. Leur orientation particulièrement positive en période de crise semble indiquer que les agents considèrent l’entrepreneuriat comme une alternative possible à l’emploi salarié, dans un contexte où de nombreux emplois sont menacés et le chômage élevé en Europe. L’étude des déterminants du choix de l’entrepreneuriat sont généralement abordés en sciences de gestion, et particulièrement d’actualité en période où de nombreuses entreprises de services recrutent uniquement des travailleurs auto-entrepreneurs.

Finalement, un fait particulièrement frappant est la différence entre la dynamique de perception des opportunités exprimée par les 18-65 ans et celle de l’ICA qui résulte de l’avis de chefs d’entreprises. Cet écart montre notamment la distinction à faire entre l’identification d’une nouvelle opportunité de profit sur le marché pour un nouvel entrant (un entrepreneur), et la perception de l’activité à venir pour une entreprise dont l’activité est installée depuis plusieurs exercices et s’inscrit davantage dans une routine.      

Conclusion

Alors que les économies ont traversé une période de crises successives ces dix dernières années, l’économie française s’est révélée particulièrement dynamique en termes de création d’entreprises. Dans le cadre théorique présenté en première partie (voir « Qui est l’entrepreneur ? »), le développement comme la concrétisation croissante des intentions entrepreneuriales ces 10 dernières années signifient que de plus en plus d’individus ont identifié des opportunités de profits et s’en sont saisis.   

Cette dynamique peut conduire à terme à la création de nouveaux emplois, de l’introduction d’innovation ou de nouvelles formes de travail.  Comme le souligne le Panorama de l’entrepreneuriat 2016 publié par l’OCDE, si une bonne dynamique de l’activité entrepreneuriale peut contribuer à la croissance économique, elle est également susceptible de stimuler la productivité dans la mesure où celle-ci est positivement corrélée au taux de création de startups. L’enjeu est désormais le financement et la pérennisation de ces nouvelles entreprises sur le marché. 


[1] L’indicateur du climat des affaires, calculé sur la base des réponses de chefs d’entreprises des principaux secteurs d’activités à une batterie de questions relatives à leur activité.

[2] http://www.gemconsortium.org/. Ces données sont régulièrement mobilisées par les Nations Unies, le Forum économique mondial, la Banque mondiale et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

[3] % des 18-65 ans déclarant percevoir de bonnes opportunités à démarrer une activité dans leur région.

[4] Le score le plus faible à 6,9 contre 19,96 en Belgique pourtant 2nd score le plus faible. Le score le plus élevé du groupe sélectionné est alors celui de l’Espagne à 48,46.

Benjamin Michallet est doctorant à l'École d'Économie de Paris, rattaché au Centre d'économie de la Sorbonne. Il intervient en parallèle comme expert en modélisation et analyse socio-économique au sein du cabinet Goodwill Management. Ses principaux centres d'intérêts sont à la croisés de l'économie de l'environnement, de l'économie politique des institutions et de l'économie de la croissance. Il enseigne à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne ainsi qu'à Sciences Po.

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