La Banque Centrale Européenne, doit-elle réduire sa stimulation monétaire ? (Policy Brief)

Actualité : La BCE pourrait être tentée de réduire son accommodation monétaire. Pour autant, n’est-t-il pas un peu prématuré d’entamer une normalisation de la politique monétaire ?

-          Le risque de déflation est désormais écarté

Pour : Peter Praet, économiste en chef de la BCE  a déclaré que « depuis la crise, les risques déflationnistes ont provoqué de sérieuses inquiétudes à plusieurs reprises en Zone euro, mais aujourd’hui on peut dire qu’ils ont disparu ».

L’inflation de la zone euro a atteint son point bas en Janvier 2015 à -0,6% obligeant la BCE à intervenir afin d’éviter une déflation. Elle est désormais proche de 1,4% alors que ’inflation core est restée stable à 0,9%[3] après avoir bondit en avril à 1,2%.

Contre : L’inflation est-elle pour autant durable ? Difficile à dire car l’ajustement à 1,2% du sous-jacent ne s’est pas concrétisé dans les derniers chiffres. Néanmoins, une meilleure dynamique de l’inflation salariale et diffusée au sein de l’ensemble de la Zone euro sera, de façon certaine, nécessaire afin de rendre l’inflation globale stable et auto entretenue (c.-à-d. non dépendante du QE qui contribue actuellement à hauteur de 0,4 point d’inflation) sur un horizon de moyen terme. En effet, depuis 2013, l’inflation des salaires stagne autour de 1,6 %[4] .

Si l’on s’en tient au graphique ci-dessus, la politique monétaire de la BCE semble avoir été inefficace à stimuler l’inflation sous-jacente. Elle a toutefois permis à la Zone euro d'éloigner le risque d'une spirale déflationniste[5] et ainsi justifier son efficacité dans un contexte de croissance faible et baisse persistante de l’inflation.

-          Les anticipations d’inflation ont rebondi depuis l’été 2016

Pour : La fonction de réaction de la BCE prend en compte les anticipations d’inflations plutôt que le niveau actuel de l’inflation. Les agents économiques ont tendance à reporter leur consommation s’ils anticipent une baisse des prix, réduisant ainsi la demande. Cette baisse est ainsi accentuée par les anticipations auto réalisatrices (ce report des dépenses, engendre une baisse de la demande et donc des prix et ainsi de suite).

Contre : La BCE suit de très près le taux swap inflation 5ans dans 5ans, véritable baromètre des anticipations d’inflation. À seulement 1,6 %, le taux swap 5ans dans 5ans est proche de son niveau d’avant annonce du QE[6] .

-          Une croissance plus solide 

Pour : L’indice de l’activité globale de la Zone euro est au plus haut depuis avril 2011 pour les services comme le secteur industriel avec des productions, des carnets de commande et des emplois au plus haut depuis 6 ans. Les indices de confiance, sur les consommateurs, le climat des affaires et l’optimisme des investisseurs s’améliorent. L’indice de confiance de la Zone euro est également au plus haut depuis septembre 2007.

Autre point majeur, les derniers chiffres pointent vers une croissance plus homogène au sein de la zone euro, les cycles économiques des pays membres convergent de nouveau à l’image du Portugal (+1% en croissance trimestrielle au T1) et de l’Italie (+0.4% au T1).

Contre : D’après les minutes de la réunion du 27 avril, la BCE estime que la croissance économique est de plus en plus solide mais qu’un certain nombre de risques pèsent toujours sur la reprise. Elle cite notamment l’incertitude concernant la politique l’administration Trump, l’impact économique du Brexit, le ralentissement de la croissance chinoise et d’autres économies émergentes. Bien que diminué à la suite des élections néerlandaises et françaises, le risque domestique n’est pas pour autant totalement écarté. L’Italie inquiète de nouveau, avec une économie fragile (croissance faible, stock de dette très élevé) et une instabilité politique persistante.

-          Poursuivre le QE en 2018 serait techniquement difficile

Pour : Les contraintes techniques actuelles du QE pourraient à terme forcer la BCE à stopper son programme de rachats de dettes. Les achats d’actifs sont réalisés en fonction de la participation des membres de la Zone euro au capital de la BCE. La banque centrale impose également une limite d’achat sur chaque titre à 33 % de la taille totale de la souche. Selon les derniers chiffres publiés, la BCE  aurait du mal à atteindre ses objectifs d’achats (basés sur la clé de répartition en capital des États membres) notamment sur les dettes allemandes et portugaises.

Contre : Même si les options restent limitées, la BCE pourrait dans un premier temps rehausser la limite d’achat sur chaque titre de 33 % à 50 %.Autrement, la BCE pourrait privilégier une réduction du QE par pallier en se laissant de la marge (i.e, prolonger le QE jusqu’à fin 2018 en réduisant les achats à 30mds d’euros pendant 6 mois, puis à 10mds d’euros).

Conclusion

Difficile donc d’imaginer une annonce d’un « tapering » du QE dès juin dans la mesure où «Nous ne sommes pas encore parvenus à un stade où la dynamique de l'inflation peut s'auto-entretenir sans le soutien de la politique monétaire[1] » et que lesdifférents critères énoncés précédemment sur l’inflation ne sont toujours pas respectés. La BCE devrait se limiter à relever ses prévisions de croissance pour la zone euro tout en revoyant à la baisse ses estimations sur l’inflation. En revanche, une modification de la politique monétaire dès septembre reste une possibilité envisagée par certains investisseurs.

 

[1] Données d’avril 2017, en glissement annuel.

[2] Inflation sous-jacente: Inflation excluant les éléments les plus volatiles tels que les matières premières.

[3] Données d’avril 2017, en glissement annuel.

[4] Données au T4 2016, en glissement annuel.

[5] Situation difficile à vaincre comme nous l’illustre le cas du Japon.

[6] 22 Janvier 2015

[7] Mario Draghi 06/04/2017

Diplômé de l'Université Paris Dauphine en Gestion d'actifs et membre CAIA (Chartered Alternative Investment Analyst), Alexandre Pietrzyk est Analyste High Yield au sein de Candriam. Il a auparavant travaillé en tant que Gérant/Analyste obligataire après avoir évolué en tant qu'Analyste Hedge Fund Global Macro au sein d'Amundi à Londres. Ses principaux centres d'intérêts portent sur les marchés de crédit et de taux, les pays de l'Europe de l'Est ainsi que l'analyse de la soutenabilité de la dette souveraine.

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