Baisser l’impôt sur le revenu en 2017, un pari électoral gagnant ? (Note)

Note -

Résumé :

·         Le Président de la République F. Hollande a annoncé une baisse de l’impôt sur les revenus de 2016 et dont l’application se fera ressentir en 2017, année de la nouvelle élection présidentielle ;

·         Pour 4 élections sur 9 de la Vème République, une diminution de l’impôt sur le revenu est constatée l’année même de l’élection ;

·         Chaque alternance politique du Président de la République s’est accompagnée d’une stagnation ou d’une augmentation de l’impôt l’année de l’élection ;

·         Une diminution de l’impôt l’année de l’élection s’est systématiquement accompagnée de la victoire du parti politique déjà en place.

À l’été 2016, le Président de la République, François Hollande, annonçait une baisse de l’impôt sur le revenu pour 2017. Au cours du mois de septembre, le contour de cette mesure a progressivement été dessiné. Le gouvernement prévoit un allègement d’impôt d’un milliard d’euro sous forme de ristourne sur les revenus de 2016. Cette mesure doit profiter principalement aux ménages modestes et à la classe moyenne. Les effets de cette baisse seront perçus par les français durant l’année 2017, période comprenant également de nouvelles élections présidentielles.

Pour une partie de l’opposition, il s’agit là d’un geste électoraliste en vue des élections présidentielles de 2017, s’inspirant directement des théories des cycles électoraux du Public Choice.

L’utilisation de données historiques permet de prendre du recul sur la mesure et d’alimenter le débat avec des faits. Est-ce qu’il est fréquent que l’année d’une élection présidentielle le chef de l’État fasse un « cadeau fiscal » ? Est-ce que cette mesure a un impact sur le résultat de l’élection ? Cet article propose des éléments de réponse en se focalisant sur ce qui s’est passé durant la Vème République.

Constate-t-on une évolution de l’impôt au voisinage d’une élection présidentielle ?

Le graphique ci-dessous présente l’évolution du ratio impôt sur le revenu/PIB et le résultat aux élections présidentielles sous la Vème République. Le ratio impôt sur le revenu/PIB indique comment évolue l’impôt en fonction de la richesse de la nation. Une  augmentation du ratio signifie que le poids de l’impôt devient relativement plus important par rapport à la richesse du pays. Une diminution du ratio indique une baisse relative de l’importance de l’impôt. L’impôt retenu dans l’article  comprend l’impôt sur le revenu, mais également les Cotisations Sociales Généralisées (CSG) et la Contribution pour le Remboursement de la Dette Sociale (CRDS)[1] . Ainsi, en croisant les données historiques du ratio impôt sur PIB avec les résultats aux élections présidentielles, il est possible d’étudier comment évolue l’impôt avant, pendant et après l’élection.

Évolution de l’impôt sur le revenu (en % du PIB), de la part des foyers imposables et du Président en fonction

Source : Calculs auteur à partir de M. André et M. Guillot (2014), 1914-2014 : Cent ans d’impôt sur le revenu, Les notes de l’IPP, n°12.

Une diminution du poids relatif de l’impôt l’année du scrutin s’observe pour 4 élections sur 9 (1969, 1988, 2002 et 2007). Ainsi, une baisse d’impôt l’année de l’élection reste un évènement minoritaire, même si ce phonème semble s’accélérer avec le temps. Une baisse d’impôt l’année antérieure à l’élection est quant à elle observée uniquement en 1987, 2001 et 2006. Régulièrement promis par les candidats à l’Élysée, une baisse de l’impôt l’année suivant l’élection est constatée pour 4 élections sur 9 (1966, 1970, 1982 et 1996).

Observer l’évolution de la part des foyers imposables donne une image différente de celle du ratio/impôt. Une diminution de cette part l’année d’un scrutin présidentiel ou l’année précédente se retrouve dans 3 cas sur 9 (1988, 1995 et 2002). Une baisse de la part des ménages imposables l’année suivant l’élection est observée en 1969, 1981 et 1988.

Existe-t-il un lien entre le résultat des élections et la baisse des impôts ?

Il est frappant de voir que chaque alternance politique, lorsque le Président est passé d’un parti de droite à un parti de gauche ou vice-versa, s’est accompagnée d’une stagnation ou d’une augmentation du ratio impôt/PIB par rapport à l’année précédant l’élection présidentielle. Cela est le cas pour les élections de 1981 lorsque F. Mitterrand devient Président, mais également pour celles de 1995, victoire de J. Chirac, et de 2012 avec F. Hollande. Durant les élections de 1981 et 2012, l’impôt avait alors progressé de 0,2 point de PIB. Le schéma est légèrement différent pour l’élection de 1995 puisque l’impôt est resté stable cette année-là et que la période 1993-1995 se caractérise par une cohabitation[2] .

Au contraire, une diminution du poids relatif de l’impôt l’année d’une élection présidentielle s’est systématiquement accompagnée d’une victoire par le parti politique déjà en place. C’est le cas pour l’élection de 1969 avec le succès de G. Pompidou et prenant la relève de C. de Gaulle. Cette année-là, l’impôt s’est réduit de 0,2 point de PIB. Le processus se retrouve pour la victoire de F. Mitterrand en 1988 (-0,1 point de PIB), de J. Chirac en 2002 (-0,4 point de PIB) et N. Sarkozy en 2007 (-0,4 point de PIB). Notons tout de même que les élections de 1988 et 2002 étaient précédées de respectivement 2 et 5 années de cohabitation.

Seules deux élections font exception au schéma esquissé plus haut : l’élection de C. de Gaulle en 1965 et la victoire de V. Giscard d’Estaing en 1974. Dans les deux cas, le ratio impôt/PIB avait augmenté de 0,1 point de PIB lors de l’année de l’élection. Toutefois, ces deux élections apparaissent singulières pour la période étudiée. En effet,  celle de 1965 fut la première élection avec le suffrage universelle. Quant à l’élection de 1974 c’est celle dont le résultat final est le plus serré de tous les autres exercices. Cette année, V. Giscard d’Estaing avait gagné l’élection avec  seulement 50,81 % des suffrages.

La mise en parallèle  de la part des foyers imposables et de l’alternance politique est plus difficile. En effet, il ne semble pas y avoir de corrélation entre l’évolution de cette part et le résultat aux élections.

Conclusion

Avec un poids de 7,9 % du PIB en 2015, l’impôt apparaît historiquement élevé et une baisse de celui-ci semble justifiable dès lors que cela est compensé par une autre source de revenu ou qu’elle n’entraîne pas un déficit budgétaire. Cependant, le gouvernement ne s’est pas encore expliqué sur la manière dont il compte financer cette mesure d’un milliard d’euro. Rappelons que selon les dernières projections de l’OCDE, le déficit public devrait s’établir à 3,4 % du PIB en 2016 (3,0 % pour l’ensemble de l’OCDE) et à 3,0 % en 2017 (2,4 % pour l’OCDE).

D’après les résultats ici présentés, il semble qu’une baisse d’impôt l’année de l’élection soit favorable au maintien du parti politique en place. Bien sûr, une multitude d’autres facteurs entre en considération lors de l’élection d’un Président et se focaliser sur l’évolution de l’impôt est réducteur. Cependant, il semble que ce facteur ne soit pas négligeable pour augmenter ses chances de réélection.


[1] La CSG a été créée par la loi de finance de 1991, alors que la CRDS a été instaurée en 1996.

[2] E. Balladur était alors chef du gouvernement, alors que F. Mitterrand exerçait la fonction de Président.

Après avoir travaillé au CEPII, David a intégré l’administration publique où il officie en tant que chargé de mission. Diplômé en Économie Internationale et Développement de l’Université Paris Dauphine, il est spécialisé sur les questions de pauvreté, d’inégalités et d’exclusion sociale. Il se passionne également pour l’interaction entre les inégalités et les émissions de pollution.

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