Mieux comprendre la politique monétaire d'aujourd'hui et de demain

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Une conférence très intéressante avait lieu jeudi et vendredi dernier à la Banque Centrale de Belgique. Le thème de cette conférence : la politique monétaire et macro-prudentielle dans le contexte actuel. Parmi la multitude d’experts intervenants, on pouvait distinguer Ricardo Reis (London School of Economics), académique qui faisait récemment parti des 6 experts choisis pour présenter leurs travaux au meeting annuel des banquiers centraux de la planète à Jackson Hole. 4 points à retenir de son intervention pour mieux comprendre la politique monétaire d’aujourd’hui et de demain:

-       le fait que les banques soient gorgées de liquidités suite aux politiques de Quantitative Easing va changer la manière dont les banques centrales vont implémenter leur politique monétaire dans les années à venir. Les banques centrales ne vont certainement plus « ajuster l’offre et la demande de liquidités » pour contrôler les taux sur le marché interbancaire, mais vont de plus en plus se servir du taux payé sur les réserves excédentaires (le « taux plancher » comme on l’appelle souvent) comme outil de politique monétaire. La FeD le fait déjà depuis quelques années, il est probable que la BCE fasse de même de manière explicite lorsque l’inflation reviendra au niveau voulu (voir l’article de la BIS en référence sur ce point).

-       le fait de payer un taux d’intérêt sur les réserves des banques (ou de faire payer un taux d’intérêt sur ces réserves) change la manière de penser certains concepts. Ainsi, on ne peut plus penser la « monétisation de la dette » de la même manière qu’avant aujourd’hui (voir cet éclairage sur BSi Economics à ce sujet) : « monétiser la dette » n’a plus le même intérêt financier pour les Etats quand la banque centrale paie un intérêt sur les réserves.

-       Pour la même raison, une politique de type « Hélicoptère Monnaie » est a priori aussi financièrement avantageuse lorsqu’elle est menée par la banque centrale que lorsqu’elle est menée par le Trésor. Une banque centrale paie un intérêt sur les réserves qui est très proche de l’intérêt qui serait payé par son Etat pour un emprunt similaire (par exemple, l’Allemagne emprunte aujourd’hui à 5 ans à -0.49% quand le taux d’intérêt sur les réserves à la banque centrale est à -0.4%). Les profits et pertes d’une banque centrale étant les profits et les pertes de son Etat à long terme, il serait une illusion de croire qu’une politique d’ « Hélicoptère monnaie » serait financièrement avantageuse si elle était menée par la banque centrale.

-       Des concepts comme le « multiplicateur monétaire » deviennent obsolètes lorsque les banques sont gorgées de liquidité et que la banque centrale paie un intérêt sur les réserves : les économistes devront continuer à mettre de côté ce concept pour les années à venir.

Sources et compléments:

- Articles de la conférence ici https://www.nbb.be/en/publications-and-research

- Article de la BIS http://www.bis.org/publ/work292.pdf (pour comprendre comment la banque centrale contrôle les taux en payant un taux sur les réserves excédentaires)

- Papier de Ricardo Reis ici https://www.kansascityfed.org/~/media/files/publicat/sympos/2016/econsymposium-reis-paper.pdf?la=en

- Sur la non-gratuité de l'Hélicoptère monnaie: « Les illusions de la monnaie par hélicoptère » (Le Monde) disponible ici

Julien Pinter est chercheur en Economie monétaire à l'Université de Minho. Il était auparavant chercheur invité à l’Université de Harvard et à la Charles University de Pragues. Il est docteur diplômé de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il travaille sur des questions liées aux politiques monétaires, aux régimes de change et à la communication des banques centrales. Il a des expériences de travail à la Banque Centrale Européenne et à la Banque de France en particulier. Il a été visiting researcher à l'Université d'Amsterdam, a travaillé à l'Université de Bruxelles Saint-Louis et étudié à l'Université de Stockholm.

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