Risque du Brexit pour les exportateurs français (Note)

Actualité : Le 23 juin 2016, les britanniques ont voté en faveur du Brexit, marquant ainsi leur volonté de quitter l’Union Européenne (UE). Les membres de l’UE souhaiteraient que le Royaume-Uni débute sous peu les démarches officielles pour quitter l’UE. Cependant, les procédures, une fois entamées, prendraient 2 ans selon le Traité de Lisbonne. Au-delà de l’incertitude générée, les exportateurs français de marchandises pourraient être affectés selon les différentes issues post Brexit.

Différents impacts et scénarios dans le temps

Le Royaume-Uni est l’un des premiers partenaires commerciaux de la France : 6,8 % des exportations françaises de biens et de marchandises sont à destination du Royaume-Uni, soit le premier partenaire commercial hors Zone euro. Dès lors, les exportateurs français pourraient être touchés par le Brexit :

1.      A court terme : L’incertitude liée à cette situation inédite a, et aura, un impact négatif sur les marchés financiers avec plusieurs impacts potentiels : forte volatilité sur les marchés, chute des bourses, dépréciation de la livre sterling / appréciation de l’euro face à cette devise et dégradation de la confiance des entreprises et des ménages. Au Royaume-Uni, ces différents éléments pourraient provoquer des comportements attentistes de la part des entreprises (report de dépenses d’investissement) et des ménages (baisse de la consommation à cause d’effets richesses négatifs[1] et constitution d’une épargne de précaution). Une baisse des importations de biens français pourraient alors se faire pressentir.

2.      A moyen terme : Les éléments de court terme affecteront l’activité économique et contribueront à une baisse de la croissance britannique. Le recul du PIB sera probablement fortement lié à l’ampleur de la dépréciation de la livre sterling. En cas de baisse forte de la livre (par exemple, plus de 12 % d’ici début 2017), combinée dans ces conditions à une probable hausse de l’inflation, les consommateurs britanniques verront leur pouvoir d’achat se dégrader et le prix des biens exportés, de France notamment, devrait augmenter. Dès lors, cette baisse de la consommation privée se répercuterait sur les importations de biens[2] .

3.      A long terme : En sortant de l’UE, le Royaume-Uni devra renégocier les accords de libre échange (ALE) avec ses partenaires européens, afin d’éviter de payer près de 5,6 Mds £ annuels en droits de douane. Il est donc difficilement imaginable que le Royaume-Uni ne trouve pas d’issu sur ce dossier, étant donné que l’Europe constitue plus de 50 % de ses débouchés à l’exportation. Le scénario le plus probable est que le Royaume-Uni retrouve un accord pour avoir accès au marché unique, soit via un accord multilatéral comme la Norvège actuellement ou via des accords bilatéraux comme la Suisse. Cependant de telles négociations seraient vraisemblablement longues à mettre en place et trouver un accord le serait également. L’incertitude liée à l’issu et aux conditions d’un nouvel accord pourrait alors entraver le commerce entre le Royaume-Uni et ses partenaires commerciaux et pousser les entreprises exportatrices françaises à s’adapter, dans l’attente.

L’incertitude et la baisse de la demande des ménages britanniques, voire les baisses des marges des entreprises, constitueraient les principales causes d’inquiétudes pour les entreprises françaises exportatrices. Cependant, tous les secteurs ne seront pas nécessairement touchés.

Exposition au Brexit par secteurs

Le graphique ci-dessous permet de distinguer les secteurs qui pourraient être touchés par le risque de Brexit[3] . Plus un secteur exporte ses biens vers le Royaume-Uni, plus le risque semble important, comme cela peut être le cas pour le secteur des boissons et tabac (12 % en moyenne des exportations totales vers le Royaume-Uni entre 2010 et 2014), de l’alimentaire (8,3 %) ou encore la chimie (7,2 %).

Cependant il est possible d’étudier le problème sous un autre prisme, notamment en fonction de l’existence de débouchés importants dans le reste du monde et de la capacité des secteurs à croître leurs volumes d’exportations, signe d’une certaine compétitivité.

·        Secteurs avec une exposition modeste au risque de Brexit : Les secteurs situés dans la zone haute à droite du graphique sont des secteurs où la dynamique des exportations est importante et où la demande mondiale est en moyenne plus dynamique. Dès lors, des secteurs comme l’alimentaire ou l’énergie semblent moins exposés au risque de Brexit et pourraient trouver d’autres débouchés étant donnée la forte demande mondiale. C’est aussi le cas du secteur des boissons et du tabac, mais dans une moindre mesure au vu de la part importante des exportations ver le Royaume-Uni.

·        Secteurs avec une exposition modérée au risque de Brexit : Le secteur situé dans la zone haute à gauche réunit notamment les « sous-secteurs » exportant des huiles animales ou végétales ou encore la production d’or à usage non monétaire. Ces secteurs bénéficient d’une demande mondiale très dynamique et d’une part des exportations vers le Royaume-Uni inférieure à la moyenne (6,1 %). En augmentant leur propension à exporter, ces secteurs seraient à même de trouver des débouchés sans dépendre de la demande britannique.

·        Secteurs avec une exposition moyenne au risque de Brexit : Le secteur des produits manufacturés, situé dans la zone en bas à droite, a une forte exposition au marché britannique (7,7 %) et malgré une dynamique supérieure de ses exportations, il fait face à une demande mondiale moins dynamique que la moyenne. Sans un accord rapide d’ALE, ce secteur pourrait rencontrer plus de difficultés en termes de débouchés, en dehors du Royaume-Uni.

·        Secteurs avec une exposition forte au risque de Brexit : Les secteurs situés en bas à gauche ne sont pas très dynamiques en termes d’exportations et ne bénéficient pas d’une demande mondiale particulièrement dynamique. Cette situation est plus préoccupante pour des secteurs comme celui des métaux et de la chimie, au vu de leur exposition au marché britannique (6,9 % et 7,2 % respectivement). Si le secteur du bois et du papier semble un peu moins impacté (seulement 2,2% de la part de ses exportations vers le Royaume-Uni), le secteur des machines et biens d’équipements est lui aussi exposé au risque de Brexit.

Conclusion

Si dans un premier temps la situation économique du Royaume-Uni retiendra particulièrement l’attention des entreprises françaises pour en déduire un potentiel impact sur leurs exportations, c’est davantage les négociations autour de l’ALE qui susciteront les plus grandes attentes à plus long terme. Le risque de Brexit ne concernera pas nécessairement tous les secteurs mais ceux qui ont une forte exposition au marché britannique sans bénéficier d’une croissance très dynamique de la mondiale pour leurs produits.


[1] L’effet richesse correspond à une variation des dépenses de consommation consécutive à une variation du patrimoine. Les effets richesses sont particulièrement significatifs aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, notamment en comparaison avec d’autres pays développés.

[2] Surtout pour les biens échangés avec une forte élasticité prix, c.à.d. les produits pour lesquels la demande est très sensible à une variation du prix.

[3] Ici seuls les échanges de biens et marchandises sont pris en compte, pas les services.

Diplômé de l’Ecole d’Economie de Paris et de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne en monnaie-banque-finance, Victor Lequillerier est responsable d'études économiques dans une institution financière après plusieurs expériences notamment  au Crédit Agricole et à la Coface. Il a également dispensé des cours d'économie en Master à l'Université de Poitiers pendant quatre années. Victor Lequillerier est Vice-Président, Secrétaire Général et co-fondateur de BSI Economics. 

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