Etats-Unis : Profits et Récession

Etats-Unis : Profits et Récession

Actualité : Historiquement, la baisse des profits des entreprises américaines est un indice du risque d'apparition d'une contraction de l’activité économique. Sur 11 épisodes de baisse sensible des profits des entreprises, 9 ont débouché directement sur une récession dans les trois années qui ont suivi. Ce fût le cas en 2000 avant l'éclatement de la bulle internet, tout comme en 2008 avant la crise financière.

Les baisses des bénéfices ne sont pas concentrées aux seules entreprises du secteur de l’énergie

Une baisse des bénéfices est observée depuis 2014 mais une part significative des analystes considèrent que cette baisse resterait concentrer au seul secteur énergétique. Selon les données S&P500, la baisse depuis mi-2014 des bénéfices des plus grandes entreprises américaines disparaît si nous en excluons les entreprises du secteur de l'Energie. Cependant, cet indice ne tient compte que de 60 % de l’ensemble des profits du secteur privé américain.

Les bénéfices attendus par les marchés restent positifs (+2 %) pour cette année. Il s’agit cependant d’une valorisation sur les actifs capitalisés. La révision des bénéfices sur les sociétés pétrolières à haut rendement a ainsi conduit à une révision généralisée, qui s’explique par la faible diversité des produits ETF (Exchange Traded Funds, des fonds indiciels côtés) disponibles d’où une certaine contagion sectorielle sur ces produits financiers. Les écarts de crédit sur les obligations à haut rendement ont ainsi atteints 800 points, un niveau habituellement annonciateur de récession.

La baisse des bénéfices hors secteur énergétique demeure plus importante que ne le laissent présager les données S&P500. Les données du National Income and Products Accounts (NIPA, équivalent américain de l'INSEE) prennent en compte les PME et TPE américaines en utilisant l'enquête trimestrielle « Quaterly Financial Reports » (QFR) – a contrario des données S&P500. La mesure du NIPA montre ainsi que les entreprises hors énergie comptent pour près 40 % de la diminution des profits depuis le dernier trimestre 2014. 

Si une chute des prix de l'énergie affecte les résultats des producteurs de ce secteur, elle peut cependant avoir un effet positif sur les couts intermédiaires des entreprises américaines (baisse des couts d’approvisionnement) et donc avoir un effet net positif sur l’économie américaine. Or, aucune hausse des bénéfices n’est observée, ce qui suggère que d'autres facteurs affaiblissent leurs performances.

Un ralentissement des profits peut etre annonciateur d’une récession : 4 facteurs explicatifs 

1) La baisse de la demande conduit à une contraction de la croissance des bénéfices, qui est un indicateur avancé des dépenses en capital (capex). En glissement annuel, les profits se réduisent de 10 %, la croissance du capex reste positive pour le moment. Aussi, la réduction des débouchés (consommation privée) couplée à une contribution négative de l’investissement ont historiquement toujours précédé un passage en récession.

2) La reprise des salaires comprimerait davantage les bénéfices attendus. Or la croissance anticipée à 1 an est passé de 0,5 % à 1,5 %, un niveau auparavant atteint en 2008. La part des salaires dans le PIB est passée de 52,5 % en 2012 à 54 % en 2016, tandis que la part des profits dans le PIB est passée de 12,5 % à 10 % sur la même période. Pour pallier l’effet négatif de la hausse des salaires sur les marges, une croissance de la productivité au moins équivalente serait nécessaire.
3) L’écart de financement des entreprises est négatif à hauteur de -200 milliards de dollars. Cet écart est la différence entre le flux de cash-flow et les investissements productifs (dépenses en capital) ou de trésorerie (dividendes). Ce niveau avait été atteint seulement en 2000 et 2007.

4) Les ajustements comptables. Les taux de défaillance restent proches de 1 % et ont légèrement rebondis. Ces derniers ont cependant pu être repoussés dans le temps, notamment dans le secteur pétrolier, via des ajustements comptables visant à tenir compte d’actifs futurs mais ne produisant aucun revenu lors de l’exercice comptable.  

Co écrit avec Thomas Lorans

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