Economie numérique : définition et impacts

Résumé :

L’économie numérique englobe les activités économiques et sociales qui sont activées par des plateformes telles que les réseaux internet, mobiles et de capteurs, y compris le commerce électronique.

La contribution totale de l’économie numérique sur la croissance des pays est composée d’un effet direct via l’accumulation de capital numérique et l’effet indirect mesuré par la diffusion du capital numérique dans le système productif.

En plein essor, l’économie numérique est un secteur stratégique de l’économie et sa contribution à la croissance des Etats est non négligeable. En France, le numérique représente 5,5% de la valeur ajoutée créée et son poids dans la contribution à la croissance est plus important que celui des secteurs traditionnels.


 

Technologies de l’information et de la communication (TIC) ou NTIC, nouvelle économie, nouvelles technologies, économie électronique, économie digitale, sont de dénominations utilisées pour décrire l’économie numérique.

Mais qu’est-ce que l’économie numérique ? Quels sont les secteurs qu’elle englobe ? Quel sont les impacts théoriques et les impacts empiriques observés en France ?

Une seule certitude : l’économie numérique est aujourd’hui un vecteur de croissance, de productivité et de compétitivité des entreprises et des pays. Son caractère transversale impacte tous les secteurs de l’économie, elle est également à l’origine des nouveaux secteurs innovants et en a rendu d’autres dépendants de celle-ci.


 

I. L’économie numérique : définition et composition sectorielle

Même si la littérature est variée et riche il n’existe cependant pas de définition exacte de l’économie numérique. En effet elle ne se limite pas à un secteur d’activité particulier et englobe des concepts très différents.

Elle résulte de l’utilisation répandue des nouvelles technologies, d’usage général tout d’abord dans le domaine de l’information et la communication ; néanmoins elle s’est transformée en une technologie universelle qui a eu des implications bien au-delà des technologies de l’information et de la communication (TIC). Elle a eu un impact sur tous les secteurs économiques, la croissance et la productivité des Etats sans oublier l’environnement des entreprises, les particuliers, les ménages et leur comportement.

L’utilisation d’internet, par exemple, a permis le rassemblement des personnes et de moyens en dématérialisant la distance physique pour créer, développer et partager leurs idées donnant lieu à de nouveaux concepts, nouveaux contenus et par conséquence à la naissance d’une nouvelle génération d’entrepreneurs et des marchés.

Selon « The Australian Bureau of Statistics » l'économie numérique est : le réseau mondial des activités économiques et sociales qui sont activées par des plates-formes telles que les réseaux Internet, mobiles et de capteurs, y compris le commerce électronique. Activées également par les efforts pour atteindre l'efficacité et la productivité dans les processus de production, les stocks et la gestion des connaissances.

Compte tenu de la difficulté à définir l’économie numérique et de la complexité pour la quantifier, l’INSEE l’assimile aux secteurs producteurs des TIC1. Le secteur des TIC regroupe les entreprises qui produisent des biens et services supportant le processus de numérisation de l’économie, c’est-à-dire la transformation des informations utilisées ou fournies en informations numériques (informatique, télécommunications, électronique)2.

Le caractère transversale de l’économie numérique impacte tous les secteurs d’activité, elle est à l’origine des nouveaux secteurs innovants et a rendu l’existence d’autres secteurs dépendantes de celle-ci. Elle regroupe le secteur des TIC, les secteurs utilisateurs et les secteurs à fort contenu numérique, ces derniers ne pourraient exister sans ces technologies.

 Figure 1. Composition de l’économie numérique


 

II. Impact de l’économie numérique

A. Impacts théoriques de l’économie numérique sur la croissance


 

Théoriquement, une étude de Coe-Rexecode3 estime double la contribution de l’économie numérique à la croissance économique en générale. En effet, il existe la contribution directe par l’augmentation du capital numérique en tant que facteur de production. Et la contribution indirecte engendrée par le fait que cette augmentation de capital numérique a un effet positif sur les gains de productivité globale de l’économie.

En termes de contribution directe, l’économie numérique a un effet macroéconomique lié à l’augmentation de l’investissement productif des entreprises, investissement dans les biens corporels : équipements et matériels numériques ; ou incorporels : logiciels, utilisés dans le processus de production. Il y a donc un effet volume sur la croissance car une augmentation du capital productif entraîne un accroissement de la formation brute de capital fixe agrégée (FBCF)4 et par conséquent du PIB, c’est un effet volume direct.

Un autre effet est lié à l’augmentation de la productivité des salariés. Une bonne formation des salariés à l’utilisation du numérique en entreprise augmente leur productivité, notamment grâce à la possible d’automatisation des tâches, qui conduisent à un gain de temps, à une amélioration de processus, à une augmentation des échanges et à une optimisation de l’organisation. Cette réorganisation entraine l’amélioration de la productivité du travail, un déterminant majeur de la croissance économique.

Concernant la contribution indirecte, c’est la forte utilisation des technologies numériques qui entraîne une amélioration de la productivité globale de facteurs (PGF). Cette notion de PGF est difficilement quantifiable car elle ne peut pas être mesurée par l’accroissement de l’usage des facteurs de production comme le capital et le travail. La PGF reflète l’impact du progrès technique sur la croissance. L’amélioration de la PGF est en partie attribuée aux secteurs producteurs de matériels numériques mais aussi aux secteurs utilisateurs d’innovations numériques. En effet, les forts gains de productivité (effet volume direct) des secteurs producteurs ont conduit à une baisse de prix de production et de ventes de biens et services numériques, ce qui a un effet sur la dynamique des prix et donc sur l’inflation. Plus les prix sont faibles et plus les secteurs utilisateurs vont être incités à investir dans des produits numériques dans le but d’accroitre leur productivité. La productivité globale des facteurs dépend également de la large diffusion des innovations numériques dans l’ensemble de l’économie. En effet l’innovation numérique a des externalités de « réseau », plus les innovations numériques sont largement diffusées et adoptées, plus les bénéfices seront importants (effet d’apprentissage, économies d’échelle). Ainsi leur diffusion permet à l’ensemble d’autres secteurs économiques de gagner en innovation et productivité également.

B. Les impacts de l’économie numérique observés en France

En France l’économie numérique est un secteur stratégique dont le poids est substantiel et représente un facteur de croissance. En 2013 la valeur ajoutée5 du numérique ramenée au PIB français s’est élevée à 5,5% soit 113 milliards d’euros, sa contribution au PIB est estimée supérieure à celles de certains secteurs traditionnels comme l’agriculture (2%) et les services financiers (4,8%). L’économie numérique et les secteurs qui la composent ont contribué à la croissance du PIB français en moyenne entre 2010 et 2013 à la hauteur de 13%.

L’importance de ce secteur est tirée par la consommation des ménages d’équipements numériques comme les smartphones, tablettes ainsi que par les investissements privés et la dépense publique en infrastructure numérique.

Selon le rapport Mc Kinsey6 France : en termes d’emploi direct le numérique emploie 3,3% de la population active en France et crée de manière quasi-équivalente des emplois indirects ou induits (emplois générés par les activités numériques dans des secteurs utilisateurs des biens et services numériques).

En termes de commerce traditionnel le numérique influence directement ou indirectement 80 milliards d’euros des transactions marchandes.

Pour les entreprises, il y a un poids croissant des échanges B2B, c’est-à-dire du commerce inter-entreprises grâce à l’utilisation accrue des canaux numériques. De même pour les consommateurs l’utilisation répandue d’internet influence très fortement les échanges entre particuliers (vente et achat en ligne). Concernant les transactions B2B, elles représentent en France autour de 400 Mds € et plus de 50% des transactions entre particuliers sont réalisées grâce à l’internet.

Par ailleurs les consommateurs peuvent enregistrer un gain de pouvoir d’achat grâce aux gains financiers directs réalisés grâce aux prix inférieurs du commerce en ligne et à la pression déflationniste que celui-ci exerce sur le commerce traditionnel. De plus, des économies peuvent être réalisées avec le développement des échanges de biens et services entre particuliers (commerce C2C7). Les gains liés à l’utilisation d’internet en France sont estimés à 20€ par mois et par internaute. Les gains indirects sont liés à des services tels que l’accès à des services gratuits en ligne (réseaux sociaux, emails, informations) l’accès à une immense variété de produits, les gains de temps etc. Ces gains représentent un gain financier estimé en France autour de 15 Mds € par an.8

D’autres gains liés à l’usage du numérique pour les consommateurs ne sont pas chiffrés (recherche d’emploi en ligne, accès à l’éducation et à la culture etc.). Une partie de ces gains de pouvoir d’achat sont réinjectés dans l’économie et se traduisent par des revenus d’environ 7,7 Mds € profitant aux entreprises françaises.

Autres gains qualitatifs du numérique sont dus à l’adoption et à l’émergence d’innovations organisationnelles dont le but est d’augmenter les performances des entreprises par l’amélioration des processus ou l’optimisation de l’organisation. Par exemple ces innovations organisationnelles réduisent les coûts administratifs, les coûts de transaction, augmentent le bien-être au travail et par conséquent la productivité.


 

Conclusion

L’essor de l’économie numérique est associé à une nouvelle révolution industrielle touchant des sphères sociales, économiques, politiques et culturelles.

En plus des impacts observés et empiriques de l’économie numérique sur la croissance des pays, elle a également un effet disruptif sur tous les secteurs d’activité et l’économie en générale : les comportements des consommateurs ont été modifiés, le fonctionnement et l’organisation des entreprises transformés, notamment par l’amélioration des chaînes de valeur, des processus de production, d’organisation managériale et leur business model ne cesse d’être remis en question.

La transformation numérique apporte bien des avantages pour certaines entreprises prêtes à adopter le changement, la dématérialisation de distances, notamment, élimine les barrières à l’entrée sur certains marchés et se traduisent par un accès massif à de nouvelles opportunités pour les entreprises.



Bibliographie :

  • « L’impact de l’économie numérique », Philippe Lemoine, Benoît Lavigne et Michal Zajac, revue Sociétal n°71 (1e trimestre 2011).

  • « L’Economie numérique et la croissance : Poids, impact et enjeux d’un secteur stratégique », Antoine Arlandis, Stéphane Ciriani, Gilles Koleda, Document de travail n°24 - COE-Rexecode (Mai 2011).

  • « Accélérer la mutation numérique des entreprises : un gisement de croissance et de compétitivité pour la France », Mc Kinsey France (Septembre 2014)

  • « Le numérique déroutant » Bpifrance le LAB (février 2015). http://www.bpifrance-lelab.fr

  • « Du rattrapage à la transformation : L’aventure numérique, une chance pour la France », Roland Berger – Strategy Consultants en collaboration avec cap-digital (septembre 2014)

  • « La Société de l’information », Nicolas Curien, Pierre-Alain Muet, Rapport pour le Conseil d’Analyse Economique, La Documentation Française (2004).

  • « TIC et économie numérique : aspects macroéconomiques, fondements théoriques », François Moreau, CNAM.

  • « Le soutien à l’économie et à l’innovation », Pierre Hausswalt, André Siné, Cédric Garcin, Rapport de l’Inspection Générale des finances, (Janvier 2012).

  • « Economie Numérique : quel sera l’impact des technologies de rupture », Yannick Hello, Les Echos, (Avril 2015)

  • Measuring the Digital Economy: A New perspective OCDE, (Décembre 2014).

  • « Les 4 Parades pour survivre à la disruption numérique », Jérôme Buvat, Les Echos, (Mai 2015).

  • « Disruption digital : les 5 lignes de rupture de l’entreprise », Jean-Philippe Querard, le Echos, (Mars 2015).

  • « L’Ubérisation de l’économie et le grand vertige des élites », Sabine Delanglade, Les Echos, (Février 2015). 

  • « Transformation numérique : les plus belles initiatives du CAC 40 », Claude Vincent, Florance Bauchard, Isabelle Lesniauk, Stefano Lupieri, Les Echos (Septembre 2014).

  • « Quand l’innovation disruptive impose sa loi à l’économie », Erick Haehnsen, La Tribune (Mars 2013)

  • « La France en route vers un nouveau modèle productif », Olivier Passet, Xerfi-Precepta (Mai 2015). http://www.xerficanal-economie.com

  • « Stratégie et transition numérique : l'expérience de Warner Bros », Emmanuel Durand, Vice-Pésident Marketing Warner Bros, Etude Xerfi-Precepta, (Mai 2015).http://www.xerficanal-economie.com

  • http://www.economie.gouv.fr/nouvelle-france-industrielle

  • « Industrie 4.0 : systèmes d’acquisition & réseaux de capteurs sans fil, éléments clés de l’industrie de demain » http://www.hikob.com/

  • http://www.observatoire-du-numerique.fr/

  • « Le CeBIT 2015 célèbre la "d!conomy", la digitalisation de la société », Frédéric Therin, Le Point (Mars 2015)

  • « Industrie du Futur : transformer le modèle industriel par le numérique » http://www.economie.gouv.fr/lancement-seconde-phase-nouvelle-france-industrielle, (Mai 2015).

  • http://www.lesusinesdufutur.com

  • « D!conomy : le tiercé gagnant de la croissance exponentielle » Céline Bonniot, Les Echos (Mars 2015).

1 Définition TIC INSEE : Selon une convention internationale fixée par l'OCDE, on qualifie de secteurs des technologies de l'information et de la communication (TIC) les secteurs suivants :- secteurs producteurs de TIC (fabrication d'ordinateurs et de matériel informatique, de TV, radios, téléphone,...) ;

- secteurs distributeurs de TIC (commerce de gros de matériel informatique,...) ;

- secteurs des services de TIC (télécommunications, services informatiques, services audiovisuels,...).

2« L’impact de l’économie numérique », Philippe Lemoine, Benoît Lavigne et Michal Zajac, revue Sociétal n°71 (1e trimestre 2011).

3 « L’Economie numérique et la croissance : Poids, impact et enjeux d’un secteur stratégique », Antoine Arlandis, Stéphane Ciriani, Gilles Koleda, Document de travail n°24 - COE-Rexecode (mai 2011).

4 La formation brute de capital fixe (FBCF) est constituée par les acquisitions moins cessions d'actifs fixes réalisées par les producteurs résidents.Les actifs fixes sont les actifs corporels ou incorporels issus de processus de production et utilisés de façon répétée ou continue dans d'autres processus de production pendant au moins un an. Définition INSEE.

5 Valeur ajoutée calculée par l’approche de la demande (Consommation + investissement + dépenses publiques + balance commerciale). « Accélérer la mutation numérique des entreprises : un gisement de croissance et de compétitivité pour la France », Mc Kinsey France (Septembre 2014)

6 « Accélérer la mutation numérique des entreprises : un gisement de croissance et de compétitivité pour la France », Mc Kinsey France (Septembre 2014)

7 C2C : Les échanges Customer to customer (abrégé en C2C) ou consumer to consumer désignent l'ensemble des échanges de biens et de services entre plusieurs consommateurs sans passer par un intermédiaire, ce sont les échanges inter-consommateur.

8 Idem que 6 : Mc Kinsey France (Septembre 2014)

Diplômée de l'Université Paris-Dauphine en Economie Internationale - Diagnostic économique, Gabriela a occupé le poste d’économiste dans plusieurs secteurs d’activité tels que les télécommunications, l’énergie, la banque , le private equity et l’asset management, à la fois pour le compte des grands groupes internationaux et des associations de lobbying financier. Aujourd’hui, Gabriela évolue en tant qu'économiste en entreprise. En étroite collaboration avec la direction, ses études sont des outils d'aide à la décision, à l’identification d’opportunités et de risques afin de contribuer au meilleur positionnement des offres.

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