Les principales mesures du projet de loi Macron

Résumé :

- Après le vote du projet de loi Macron par l’Assemblée Nationale le 19 février puis par le Sénat le 12 mai, une commission mixte paritaire (CMP) devra s’accorder le 3 juin sur un texte commun.

- Parfois accusé par ses détracteurs d’être un projet de loi « fourre-tout », il a pour ambition de libérer la croissance française en légiférant sur un grand nombre de domaines, que ce soit sur le travail dominical, les professions réglementées, le transport en autocar, le permis de conduire, la justice prud’homale, les pouvoirs de l’Autorité de la concurrence, les plans sociaux, etc.

- Ce projet de loi étant très débattu (avec un point culminant lors du 49-3) et très riche avec 627 amendements adoptés durant le processus législatif, il paraît utile de rappeler de façon synthétique les principales mesures actuellement retenues et leurs impacts espérés sur l’économie avant l’arbitrage de la CMP.

Le Sénat a adopté le 12 mai le « projet de loi sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques», plus connu sous le nom de projet de loi Macron. Après 133 heures de débats en séance plénière, dont 111 à l’Assemblée Nationale, le texte passera le 3 juinen commission mixte paritaire (CMP) chargée d’aboutir à la conciliation des deux assemblées.

Cette loi est à l’origine née de l’ambition du précédent ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique Arnaud Montebourg (« loi sur la croissance et le pouvoir  d’achat ») de « restituer 6 milliards d’euros de pouvoir d’achat aux Français ». Il proposait des économies sur la base d’une règle des trois tiers : réduction du déficit public, baisse des prélèvements obligatoires sur les entreprises et baisse de la pression fiscale des ménages. L’accent est désormais mis avec la loi Macron sur le rétablissement de la compétitivité, avec pour volonté de combattre trois « maladies » de la France : la défiance, la complexité des lois et règlements et le corporatisme.

Les défenseurs du projet de loi insistent sur la nécessité de libérer la croissance par la levée d’un certain nombre de rigidités en particulier sur le travail du dimanche ou sur les professions réglementées. Ses contempteurs quant à eux dénoncent une loi « fourre-tout », puisque la loi Macron traite d’une grande diversité de dossiers, et la considèrent comme n’étant pas à la hauteur des enjeux actuels pour redresser l’économie du pays.

Sont ici résumées de façon simplifiée et en l’état actuel du processus législatif, les principales mesures qui ont actuellement été votées par les deux chambres, sachant qu’un certain nombre d’entre elles sont encore susceptibles d’être rejetées par la commission mixte paritaire.

Le travail du dimanche et de nuit :

Le Sénat a adopté le principe des 12 dimanches ouverts par an dans la distribution, contre 5 auparavant, en l’étendant de plus aux enseignes de biens culturels. Une simple décision du maire après avis du conseil municipal suffit jusqu’à 5 dimanches. Au delà, l’aval de l’intercommunalité est également nécessaire. L’ouverture des magasins est de plus autorisée par exception tous les dimanches dans les zones touristiques et les zones commerciales fixées par décret ainsi que le soir jusqu’à minuit pour les zones touristiques internationales (ZTI). L’indemnisation des salariés devra être plus importante le dimanche que les autres jours de la semaine, avec possibilité de recourir aux accords de groupes pour définir les compensations. Il faut enfin ajouter que le Sénat a choisi d’exonérer les entreprises de moins de 11 salariés d’une partie des contreparties.

Objectifs et Impacts recherchés[1]  :

Pour les consommateurs : plus de disponibilité des magasins, s’adapter à la croissance rapide de nouvelles clientèles émergentes.

Pour les entreprises : simplification des démarches et gain de chiffre d’affaires (estimé à 150 M€ pour les grands magasins)

Les professions réglementées :

Selon les conclusions d’un rapport public de l’IGF de 2013, les professions réglementées auraient un bénéfice net avant impôt représentant 19,2% du chiffre d’affaires, soit un montant 2,4 fois plus élevé que dans le reste de l’économie. Si ce constat n’a pas à lui seul conduit le gouvernement à vouloir introduire davantage de concurrence et parvenir à baisser les prix, il en a été l’un des arguments. De l’autre côté, le projet de réforme des professions réglementées a suscité de vives critiques du Conseil Supérieur de Notariat, qui s’appuie sur une étude du cabinet EY estimant le nombre d’emplois pouvant être supprimés à 1 000 et une baisse du chiffre d’affaires de 10 à 20% en 5 ans.

La loi envisage tout d’abord de libéraliser davantage l’installation des nouveaux arrivants huissiers, notaires et commissaires-priseurs dans des zones où l’ouverture d’offices est jugée nécessaire selon une carte établie par le ministère de la justice. La principale inquiétude des professionnels sur ce sujet a résidé dans la crainte d’une rupture d’égalité entre les nouveaux arrivants qui pourraient s’installer sans charge et ceux déjà en place. Le projet de loi ne rend plus nécessaire la présentation d’un notaire par un autre notaire au Garde des Sceaux. Un notaire ne pourra plus habiliter des clercs 12 mois après la promulgation de la loi. Les clercs assermentés ne pourront plus recevoir certains actes à la place du notaire, ce qui devrait avoir pour conséquence d’augmenter le nombre de notaires. Le dispositif du couloir tarifaire qui prévoyait d’encadrer les tarifs de la profession autour d’un seuil de référence a été abandonné par Emmanuel Macron, qui a indiqué « ne pas avoir vu l’effet pervers que cette mesure pourrait avoir ». Au final, dans la version votée par l’Assemblée nationale, les actes les plus simples resteront à prix fixes. Les notaires pourront pratiquer des ristournes sur les émoluments perçus sur une partie des ventes immobilières, appliquées sur des transactions dont le prix est compris dans un nouveau couloir tarifaire, défini par voie réglementaire.  Sont également présents dans la loi Macron l’ouverture aux tiers du capital social minoritaire des sociétés d’exercice libéral des avocats (SEL) en excluant les banques et compagnies d’assurances et la création d’un statut d’avocat salarié en entreprise. Enfin, les greffes des tribunaux de commerce, qui étaient payants, seront désormais librement accessibles sur Open Data, ce qui a été suscité des craintes quant à l’avenir des commissaires priseurs ou des administrateurs et mandataires judiciaire.

Objectifs et Impacts recherchés:

Orienter les tarifs réglementés vers les coûts, augmenter le pouvoir d’achat des consommateurs[2] qui bénéficieront de services de professionnels plus nombreux.

Augmenter la concurrence pour conduire les opérateurs à une nouvelle régulation des prix et à des offres de services novatrice ;

Permettre à davantage de diplômés de s’installer à leur compte ;

Faciliter le recours à toute source de financement et renforcer l’ouverture à l’international.

Les transports en autocar :

Ils seront désormais libéralisés. Certaines lignes pourront cependant être interdites ou limitées par les régions et départements. Les nouvelles lignes inférieures à 200 km devront obtenir une autorisation, soit 100 km de plus que le seuil choisi par les députés. Enfin, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) aura des pouvoirs élargis. Elle pourra contenir les tarifs de péages, renforcer la concurrence dans les marchés d'autoroutes et donner son avis sur les lignes nationales d'autocars.

Objectifs et Impacts recherchés:

Permettre aux ménages les plus modestes de voyager plus facilement avec un gain de pouvoir d’achat estimé à 800M€ par an ;

Créer des « dizaines de milliers d’emplois » ;

Impact sur la sécurité et l’environnement (développement du transport collectif).

Permis de conduire :

Dans certains départements, les délais d’obtention du permis peuvent atteindre jusqu’à 200 jours entre deux examens, avec un délai moyen de 98 jours en 2013  à l’échelle nationale. Le projet de loi souhaite réduire cette durée à 45 jours en permettant à des agents publics comme les anciens policiers, les militaires à la retraite ou les agents de la Poste de faire passer l’examen pratique à condition d’avoir suivi une formation préalable. Les auto-écoles ne pourront plus facturer les frais de présentation à l’examen, à l’exception de frais d’accompagnement limités au montant d’une heure de conduite. Enfin, les épreuves du code de la route seront confiées à des sociétés privées.

Objectifs et Impacts recherchés:

Ouvrir plus de places aux examens, de réduire les délais d’attente du passage du permis de conduire et ainsi de participer à la diminution de son coût (chaque mois de délai gagné représentant en moyenne 200 euros d’économie) ;

250 000 € d’économies pour l’Etat sur l’organisation du code par le privé.

Justice prud’homale:

L’objectif de la loi est de simplifier les procédures pour en réduire les délais, en introduisant une formation des conseillers, des sanctions en cas de manquement à la déontologie et un statut de défenseur syndical qui accompagnera le salarié. La loi encouragera les séances en formation restreinte pour raccourcir les délais de jugements. Enfin, un barème indicatif sur l'indemnité à accorder au salarié sera introduit en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse, établi à partir de plusieurs paramètres

Objectifs et Impacts recherchés:

Simplifier les procédures, renforcer la déontologie, raccourcir les délais, alléger les charges de travail.

Des pouvoirs accrus de l’autorité de la concurrence :

Pour encourager la concurrence dans la distribution et le commerce de détail, l’autorité de la concurrence pourra se pencher sur les documents d’urbanisme (PLU, scot, etc.) pour éviter qu’ils ne soient trop restrictifs, mais son avis ne s’exercera qu’à la demande du préfet ou du ministre. Elle devrait disposer d’un pouvoir d’injonction pour éviter les abus de position dominante dans les zones où la diversité commerciale est trop faible en exigeant une baisse des prix. Elle pourra agir sur le montant des sanctions anti-trust et obtenir des relevés de communication pour les enquêtes sur les cartels.

Objectifs et Impacts recherchés:

Préserver les principes de liberté d’établissement et de concurrence, permettre l’arrivée de nouveaux entrants ;

Accélérer la réalisation des projets commerciaux, la réalisation de gains de productivité et la création d’emplois.

Plans sociaux:

Elles préciseront des critères de licenciement unilatéral et mettront l’accent sur la négociation collective. De plus, actuellement, un plan social doit être proportionné selon le code du travail « aux moyens dont disposent l’entreprise, l’unité économique, et le groupe ». Pourtant, la justice ne dispose pas des outils juridiques pour faire payer la maison mère et lorsque le plan social est annulé, les salariés peuvent se retrouver sans salaire ni indemnité. Pour sortir de cette situation, il ne s’agira pas dans le projet de loi et faire payer le groupe mais de proportionner le plan de sauvegarde pour l’emploi (PSE)[3] aux moyens de l’entreprise.

Objectifs et Impacts recherchés:

Disposer d’un cadre légal plus sécurisé, en particulier sur les garanties pour les salariés.

Autres mesures :

Beaucoup d’autres domaines sont touchés par la loi Macron, comme l’épargne salariale et l’actionnariat privé (voirsur le sujet l’article de BSI Economics du 14 mai 2015), la cession d’actifs avec la vente par l’Etat de 5 à 10 Md€ d’actifs dans des entreprises. Une carte professionnelle dans le bâtiment devrait être introduite pour limiter les fraudes et le travail au noir. De plus, une entreprise avec une trésorerie excédentaire pourra prêter de l’argent à un fournisseur ou un sous-traitant en difficulté.

On peut enfin relever d’autres amendements votés par le Sénat. Suite aux critiques par le patronat du compte pénibilité présent dans la réforme des retraites de 2014, le Sénat a choisi de supprimer la fiche individuelle retraçant l’exposition de chaque salarié aux facteurs de pénibilité, dont le nombre a été réduit à trois : le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes et le travail en milieu hyperbare[4] . Notons qu’il est cependant très peu probable que la commission mixte paritaire valide cet amendement. Le Sénat a également choisi d’assouplir les accords de maintien de l’emploi pour développer la flexibilité interne et permettre, selon Les Echos, aux entreprises en bonne santé de déroger aux 35 heures. Les sénateurs ont également choisis de rétablir les trois jours de carence aux fonctionnaires[5] et ont souhaité autoriser la vente de verres correcteurs sans ordonnance[6] . Le Sénat a voté à l’unanimité un encadrement des moteurs de recherche, dont Google. Enfin, on pourra relever l’adoption d’un nouveau « crédit congé révisions » qui permettra à un étudiant qui travaille pendant ses études de se voir crédité de 5 jours de congés supplémentaire par semestre universitaire, qu’il soit à plein temps ou à mi-temps. Cependant, ce congé sera sans solde suite à l’adoption d’un contre-amendement, même si le sujet pourra être rediscuté par la commission mixte-paritaire.

Conclusion

Le débat sera vraisemblablement intense lors de la commission mixte paritaire, composée de sept députés et sept sénateurs. En effet, le texte avait été jugé trop libéral par de nombreux députés « frondeurs » lors du vote à l’Assemblée Nationale, alors que le Sénat en majorité à droite a choisi de justement de le libéraliser davantage (notamment en flexibilisant davantage les accords de maintien de l’emploi, en simplifiant le compte pénibilité et en étendant le travail dominical).

Si la CMP échoue, chaque chambre examinera à nouveau le texte, puis l’Assemblée nationale aura le dernier mot. Il sera donc intéressant de continuer à suivre les évolutions du projet de loi jusqu’à sa promulgation.

Sources :

http://www.gouvernement.fr/action/le-projet-de-loi-pour-la-croissance-l-activite-et-l-egalite-des-chances-economiques

http://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPreparation.do?idDocument=JORFDOLE000029883713&type=general&typeLoi=proj&legislature=14

http://www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl2447-ei.asp

http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/12/08/travail-du-dimanche-autocars-professions-reglementees-qu-y-a-t-il-dans-la-loi-macron_4536498_4355770.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Projet_de_loi_pour_la_croissance,_l%27activit%C3%A9,_et_l%27%C3%A9galit%C3%A9_des_chances_%C3%A9conomiques

http://www.monde-diplomatique.fr/2015/04/BULARD/52833

http://www.lefigaro.fr/politique/2015/01/27/01002-20150127ARTFIG00411-la-loi-macron-sous-le-feu-des-critiques-a-l-ump-et-a-gauche.php

http://www.franceinfo.fr/actu/politique/article/travail-du-dimanche-professions-reglementees-les-prinicipaux-avis-du-conseil-d-etat-616353

http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/03/25/20002-20150325ARTFIG00004-loi-macron-les-notaires-redoutent-un-tsunami-dans-la-profession.php

http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-131791-notaires-et-loi-macron-charite-bien-ordonnee-1110800.php

http://www.20minutes.fr/economie/1606879-20150512-loi-macron-nouveau-credit-conge-revisions-adopte-etudiants-salaries

http://www.challenges.fr/economie/20150512.CHA5759/le-nouveau-visage-de-la-loi-macron-apres-le-senat.html

http://www.francetvinfo.fr/economie/loi-macron/le-senat-liberalise-la-loi-macron-qu-est-ce-qui-change_901369.html

http://www.la-croix.com/Actualite/France/Loi-Macron-de-nouvelles-regles-en-matiere-de-licenciements-collectifs-2015-02-15-1281112

http://www.lesechos.fr/journal20150224/lec1_france/0204177670564-maintien-dans-lemploi-lexecutif-aimerait-assouplir-les-35-heures-mais-le-terrain-est-mine-1096157.php

http://www.lcp.fr/actualites/politique/171449--le-pedago-loi-macron-les-enjeux-de-la-commission-mixte-paritaire

Notes:

(1)  L’ensemble de ces objectifs et impacts recherchésproviennent de l’étude d’impact du projet de loi : http://www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl2447-ei.asp

(2) non encore chiffré dans l’analyse d’impact

(3) Autre nom du plan social

(4) lorsque la pression est supérieure à la pression atmosphérique

(5) Qui avaient été abrogés dans le PLF 2014, ce qui rend peu probable une acceptation par la CMP

(6) Selon l’amendement, « la France est le seul pays de l’Union européenne  à refuser un paire de lunettes à un client chinois ou américain qui a cassé la sienne »

 

Diplômé de l’École Normale Supérieure de Cachan et de Sciences Po Paris, Nicolas Pietrzyk est économiste au Ministère de la Culture. Il a auparavant enseigné l’économie et la gestion au sein d’universités et de grandes écoles et travaillé dans plusieurs institutions nationales et internationales. Ses centres d’intérêt portent principalement sur les politiques économiques et l'économie de la culture. Au sein de BSI Economics, Nicolas Pietrzyk est également responsable des affaires publiques et membre du Comité d'Orientation et d'Ethique.

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