Faut-il craindre le ralentissement chinois ?

Résumé :

- L’économie chinoise ralentit : après une croissance de 7,3% en 2014, l’activité devrait croitre de « seulement » 7% en 2015.

- Ce ralentissement progressif de l’activité économique en Chine, qui traverse une période de transition vers un modèle de croissance tournée davantage vers la consommation intérieure, ne doit pas susciter de craintes exagérées.

- D’autres dossiers requièrent une attention toute particulière. Sur le plan économique, par exemple, la lutte contre les inégalités, qui génèrent des tensions, et l’importance du « shadow banking » dans le mode de financement public et privé.

Le colloque annuel sur le risque pays organisé par la Coface a eu lieu mardi 27 janvier 2015 au carrousel du Louvre. Parmi les principaux sujets abordés, le ralentissement de l’économie chinoise fut l’objet d’une table ronde. Stéphanie Balme (chercheur et professeur à Sciences Po), Emmanuel Bonhomme (Vice-président de la stratégie et de l’activité ASP, Johnson & Johnson Médical EMEA (Europe Moyen Orient Afrique) - Global Surgery), Graham Hutchings (directeur général d’Oxford Analytica) et Rocky Tung (économiste Asie-Pacifique à la Coface) se sont penchés sur la question.

Alors qu’elle est devenue la première puissance économique mondiale en parité de pouvoir d’achat rn 2014, la Coface a placé sous surveillance négative la notation « A3, niveau satisfaisant » du risque pays de la Chine. En effet, la croissance de l’activité économique chinoise ralentit, et pourrait n’atteindre « que » 7% en 2015, après 7,4% en 2014.

Plusieurs causes ont été mises en avant pour expliquer les anticipations de ce ralentissement. L’immobilier, tout d’abord, dont la perte de vitesse devrait affecter de nombreux secteurs fournisseurs (acier,  ciment, etc.), après des années de très forte croissance qui lui ont donné une part excessive dans la valeur ajoutée. Les surcapacités de l’industrie manufacturières et la baisse de la rentabilité de l’investissement devraient peser sur la contribution de la formation brute de capital fixe à la croissance en 2015. Par ailleurs, la hausse de la sinistralité des entreprises et des prêts non performants fragiliseraient la solidité des banques et les conditions de distribution du crédit. L’importance de l’endettement privé et des collectivités locales en Chine, difficile à estimer précisément en raison du développement du shadow banking qui pourrait représenter un tiers du financement total, inquiète également.

Si elle est ralentie, la hausse prévue de 7% du produit intérieur brut chinois représentera tout de même 800 milliards de dollars (au taux de change courant actuel). Dans le sillage de ce ralentissement progressif de l’activité,  la hausse des prix faiblit sensiblement depuis plusieurs mois (autour de 1,5% en glissement annuel depuis quelques mois). Pour l’instant, l’atterrissage de l’économie chinoise, qui traverse une période de transition due au changement de son modèle de croissance, ne doit donc pas susciter de craintes excessives.

Pour les dirigeants chinois, ce changement de modèle représente bien d’autres défis que l’aspect purement quantitatif de la croissance. Sur le plan intérieur, la montée des inégalités, les contestations naissantes d’une partie de la (jeune) population révélées par les évènements de Hong-Kong, les réformes des systèmes de santé, d’éducation et de justice, et la gestion de la crise environnementale représentent des sources de préoccupations réelles pour le gouvernement chinois et autant de chantiers pour tendre vers un nouveau modèle économique et sociale plus performant.

 La lutte contre les inégalités de revenus est primordiale afin de favoriser l’émergence d’une économie plus orientée sur la consommation, et moins sur l’investissement, dont la rentabilité marginale s’essouffle sensiblement et se ressent, selon Emmanuel Bonhomme. Le développement d’un mode de financement « fantôme », appelé shadow banking, permet aux entreprises de contourner le système bancaire traditionnel pour financer leurs projets, mais les soumet également à des taux usuriers, qui les fragilisent financièrement. La transition énergétique de la Chine, qui souhaite passer à un mode de production moins émetteur de Co2, a favorisé le rapprochement des dirigeants chinois avec leurs homologues russes, qui ont débouchés sur la signature d’importants contrats en volume de livraison d’hydrocarbures pour les années à venir.

Un sondage réalisé auprès de l’auditoire du colloque de la Coface sur l’impact du ralentissement chinois a révélé que près d’une personne présente sur deux (49%) ressentait l’impact du ralentissement chinois sur son activité.

Sur le plan extérieur, la gestion de ses relations internationales, notamment avec ses voisins. En effet, la Chine ne semble pas motivée par l’objectif de devenir la principale puissance mondiale selon Stéphanie Balme, mais plutôt d’assoir sa position en Asie.

La Chine doit également progresser sur le plan de la transparence et de la lutte contre les conflits d’intérêts, point sur lequel le président Xi Jinping promet des avancées dans le cadre de sa campagne anti-corruption. Ce manque de transparence est également palpable économiquement sur la production des statistiques chinoises. Les statistiques chinoises sont publiées très tôt et ne sont pas révisées. Cela apparaît parfois problématique, vu de l’extérieur. Cependant, et cela se vérifie dans les liens entre les entreprises, il faut comprendre que les relations sociales et économiques en Chine sont davantage guidées par des tendances de long terme et une confiance bien établie.

 

Clément Bouillet est diplomé de l'Université Paris Dauphine et Paris Val de Marne. Après une expérience comme économiste à EDF, Clément Bouillet évolue actuellement dans un service d'étude économique d'une compagnie d'assurance.

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