Colloque Coface Risque Pays 2014

Colloque Coface Risque Pays 2014

Des signaux positifs malgré une grande hétérogénéité

Le 21 janvier 2014, Coface organisait son Colloque annuel « Risque Pays 2014 » afin de dresser un bilan de l’évolution des risques et de présenter son scénario pour l’économie mondiale en 2014.

Comme l’a précisé J.M. Pillu, Directeur Général de Coface, après une année 2013 assez mouvementée et marquée par une succession de crises depuis 2007, 2014 devrait afficher des signaux encourageants et des résultats plus satisfaisants. S’il est sans doute encore trop tôt pour parler de retour à la stabilité économique et à une croissance élevée, on peut désormais penser que le plus difficile est derrière nous. Il faudra toutefois rester très prudent car de nombreux risques subsistent, se transforment et évoluent.

Des blocs fragmentés pour une forte hétérogénéité mondiale

Il est un exercice périlleux que de dégager une tendance globale de l’économie mondiale, avec des pays qui restent très différents et une évolution des risques parfois assez inattendue. En effet les années 1980 et 1990 ont été particulièrement marquées par des crises de change et de dette publique importantes au sein des pays émergents, qui ont réussi peu à peu jusqu’au milieu des années 2000 à retrouver une certaine forme de solidité économique. Les dérapages des finances publiques semblaient donc être éradiqués et comme l’a évoqué J.C. Trichet (ancien Gouverneur de la Banque Centrale Européenne (BCE)) « le Fonds Monétaire International (FMI) a dès lors considéré qu’il allait se consacrer davantage à faire du conseil plutôt que d’octroyer des prêts ».

Or la crise financière, qui a débuté en 2007, a rapidement remis en cause certains fondements sur lesquels reposait l’économie mondiale, surtout depuis que « le risque privé » a contaminé les Etats en mutant en « risque souverain ». L’épicentre de cette crise n’était plus les pays émergents, mais bien les pays développés, ébranlés certes par le système financier mais également fragilisés depuis un certains nombre d’années par des déséquilibres économiques internes.

Et malgré leur appartenance à un bloc ou à une zone commune, ces pays n’ont pas tous été affectés de la même manière par la crise : le meilleur exemple étant celui de la Zone Euro et ce malgré une convergence assurée (de manière très imparfaite) par le Pacte de Stabilité de Croissance avant 2000. La fragmentation notable, entre des pays dits de la périphérie (Grèce, Chypre, Portugal, Irlande, Espagne) et les pays du coeur, démontre bien que les risques peuvent être très diversifiés pour des pays, pourtant similaires lorsque nous les comparons au monde émergent.

Et même au sein de ces pays, BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) et autres, l’hétérogénéité reste forte. La récente annonce de la Réserve Fédérale (FED) en mai 2013 a d’ailleurs bien mis en exergue cette forte disparité, les conséquences n’ayant pas été les mêmes en Turquie, au Brésil ou encore en Indonésie, pour ne citer qu’eux. Ces sensibilités diverses des économies émergentes aux chocs externes traduisent donc bien le fait que tout comme le « bloc des pays développés », « le bloc émergent n’existe pas » selon Y. Zlotowski, économiste en chef de Coface.

Une forte dispersion des risques

Cette évolution mondiale et ces différences reflètent une conception des risques qui doit être menée au cas par cas :

--> Tandis que des risques sociaux sont à prévoir dans certains pays d’Europe, l’économie américaine devra concrétiser ses récents progrès malgré l’annonce d’un retrait progressif de l’intervention de la FED, quant au Japon les Abenomicsont pour l’instant bénéficié aux entreprises mais pas encore aux salariés ;

--> Les risques en Chine seront liés à sa transition vers un nouveau modèle économique davantage centré sur sa consommation domestique et où le manque de main d’œuvre qualifiée peut faire craindre une croissance de moindre qualité ;

--> Les pays émergents devront corriger certains déséquilibres (dégradation de leur compte courant notamment) s’ils ne veulent pas subir une phase de ralentissement plus longue, le constat globale pour ces pays étant un retour à un « risque pays classique » ;

--> En Afrique les risques liés à une gouvernance encore éloignée des standards d’autres pays émergents devront être suffisamment intégrés pour assurer un processus plus rapide de développement économique du continent ;

--> Le risque géopolitique jouera un rôle majeur du Maghreb au Moyen-Orient, l’essentiel des risques étant concentré au Proche-Orient où l’incertitude politique offre peu de visibilité aux investisseurs étrangers.

Dans les économies avancées :

En Europe, la mise en place de réformes importantes et le renforcement du cadre institutionnel, notamment avec l’Union Bancaire, devraient permettre de repartir sur des bases plus saines. Mais il faudra davantage de confiance et d’effets sur l’économie réelle pour rompre avec la spirale négative des dernières années ; ce constat vaut pour la plupart des pays développés.  Les réformes ont été assez douloureuses et tardent à avoir des effets marqués, même si la compétitivité de la Zone Euro se restaure peu à peu, bénéficiant aux secteurs exportateurs.                                                                                                                                             Pour P.C. Padoan, Secrétaire Général adjoint et économiste en chef de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), les potentiels de croissance seront exploités à partir du moment où le problème d’allocation des prêts bancaires et de l’investissement sera résolu. Dans le cas contraire les efforts consentis ces dernières années risquent de s’avérer vains. Malgré une reprise du secteur corporate aux Etats-Unis et au Japon, l’investissement reste faible, menaçant l’impact des réformes et donc les risques privé et souverain.

En Afrique :

Le continent africain est en plein essor mais repose sur une dualité assez forte. D’une part les avantages en l’Afrique sont : des taux de croissance élevés, une main d’œuvre bon marché, des ressources naturelles abondantes, un tissu industriel diversifié et des entreprises générant des revenus conséquents. Ces dernières proposent par ailleurs des rendements très élevés (très bénéfique pour les investissements de portefeuille étrangers des économies avancées, motivés par une recherche de rendements prononcée) facilités par le développement de l’actionnariat. Ce fort potentiel de croissance et de développement contribue à rendre l’Afrique subsaharienne plus attractive aux yeux des investisseurs selon S. Zeze, président directeur général de Bloomfield Investment Corporate.

Même si le risque de dutch disease (malédictions des matières premières) devrait moins peser désormais, d’autres risques liés à la mauvaise gouvernance, au manque d’infrastructures et surtout à la surliquidité bancaire (risque de crédit élevé) présentent de sérieuses menaces. Ce dernier point est un véritable fardeau pour l’Afrique car il concerne le financement direct de l’économie, même si de nouvelles institutions tentent de promouvoir une forme de proximité entre les sources financières et les entreprises comme le précise G. Fal, président des conseils d’administration de la bourse régionale des valeurs mobilières d’Abidjan.

Dans les pays émergents :

Le ralentissement dans les principales économies émergentes reflète en grande partie les difficultés liées à une contrainte d’offre via un ralentissement de l’investissement. Toutefois certains pays, surtout en Asie, devraient continuer de bénéficier d’une forte demande domestique et ainsi renouer avec des taux de croissance élevés. D. Carbon, économiste en chef de DBS Bank rappelle d’ailleurs que « l’Asie compte une nouvelle France tous les deux ans et demie ». La Colombie et le Pérou sont aussi des exemples de pays « en rattrapage » mais avec de forts potentiels de croissance, selon l’économiste en chef pour la région des Andes à Citibank, M. Jalil.

Concernant les pays émergents pris dans leur ensemble, les intervenants ont été unanimes sur le fait qu’il existe un potentiel de croissance non négligeable au-delà des BRICS mais que des efforts doivent être menés au niveau du développement des infrastructures. E. Orsenna, économiste et membre de l’Académie Française, insistant même sur la nécessité de ne pas se focaliser uniquement sur cet aspect mais également inclure l’environnement (l’air et l’eau), le social (émancipation d’une classe moyenne), la gouvernance (existence d’un Etat de droit) et la culture (rôle des femmes dans la société).

Le Moyen Orient :

Les espoirs placés dans les révoltes arabes n’ont malheureusement pas été accompagnées de plus de stabilité, ni pour les pays concernés, ni chez leurs voisins. Les rivalités internes et les enjeux géopolitiques dans la région, fortement alimentés par les divergences existantes entre les différents blocs de pays, n’offrent qu’une visibilité très faible de l’évolution des risques dans ces pays. Si, dans un premier temps, les révolutions ont permis au Qatar puis à l’Arabie Saoudite de renforcer leurs liens politique et économique avec certains pays (Tunisie et Egypte notamment), les récents évènements ont pu changer la donne. Malheureusement celle-ci reste susceptible d’être nouvelle fois modifiée, même dans le cas où une issue est trouvée en Syrie, où également d’autres forces régionales ont des intérêts (la Turquie mais surtout l’Iran, à travers l’intervention de Hezbollah libanais dans le conflit). Le pétrole et autres ressources en gaz jouent un rôle majeur dans la région et peuvent très bien faire peser la balance en la faveur d’un groupe de pays ou d’un autre, ou même de certaines communautés. Des éclaircies pourraient éventuellement venir du Maroc et de la Tunisie  selon R. Meddeb, Président du groupe Comète, suite au retrait relatif d’Ennahda et surtout au vote de la nouvelle constitution, garant d’une moins forte instabilité.

Conclusion

Les différentes zones feront bien évidemment face à des contraintes et des défis variés, mais l’intégration, des pays, des marchés et des acteurs économiques peut jouer un rôle majeur dans la trajectoire que suivra l’économie mondiale. Des effets de contagions pourraient très bien générer de nouveaux risques, comme également favoriser l’apparition d’externalités positives dont les pays devront tirer profit, afin qu’en 2014 la diversité ne soit plus synonyme de déséquilibres mais bien un moyen de diluer les risques, afin d’assurer une reprise pérenne et durable.

BSI Economics (V.L)

BSI Economics est un think tank de réflexion sur l'économie et la finance, créé en 2012, qui contribue à ouvrir et améliorer les débats en mettant au service des décideurs et des citoyens des réflexions indépendantes sur les nouvelles tendances économiques et financières.

BSI Economics met ses contributions multithématiques au service du débat public en sollicitant un réseau diversifié de collaborateurs composé de banquiers centraux, de régulateurs, de conjoncturistes, de chercheurs, de spécialistes sectoriels et de stratégistes en économie.

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