L’environnement fiscal luxembourgeois ou la réussite des fonds d’investissement à l’international

Résumé :

- L’environnement fiscal luxembourgeois est favorable au développement des fonds d’investissement par un niveau élevé de protection des investisseurs, par la célérité de l’application des directives européennes relatives aux OPCVM, et par l’absence d’imposition sur les fonds d’investissements.

- Les nombreuses structures d’investissements offrent une importante flexibilité aux gestionnaires de portefeuille grâce à des véhicules divers.

- Le pays mène aujourd’hui une stratégie de création de fons dédiés aux financements des start-up européennes

Il y a quelques dizaines d’années, la richesse du Grand Duché provenait essentiellement de son industrie sidérurgique. A partir des années 60, le Luxembourg a opté pour une diversification industrielle organisée autours de trois axes : la construction de l’union européenne, le développement d’autres secteurs d’activité et le développement d’un centre financier international. Cette stratégie politique et industrielle a abouti à la création de nombreuses entreprises industrielles de toutes tailles exerçant leurs activités dans de multiples secteurs. Par la suite, le Luxembourg s’est focalisé sur les services financiers dont les prémices ont été marquées par l’arrivée de banques américaines, allemandes et suisses.

Le Luxembourg est aujourd’hui le premier centre de fonds d’investissement au niveau européen et le deuxième au niveau mondial après New York. Trois fonds d’investissement sur quatre commercialisés à grande échelle au niveau international sont domiciliés au Luxembourg. L’activité génère un quart du PIB national et emploie 13.000 personnes (43.000 pour l’ensemble du secteur financier). Outre l’activité de fonds, cette place financière offre également d’autres services tels que la gestion privée et la réassurance, domaines dans lesquels le Luxembourg se place là aussi comme l’un des leaders européens. Surtout, le Luxembourg a su créer un environnement fiscal et réglementaire permettant de cerner aux mieux les attentes des investisseurs.

Nous verrons via cet article deux avantages comparatifs du Luxembourg : une fiscalité attrayante (1) et un large choix de structure juridique pour les fonds d’investissement (2).

Un environnement fiscal favorable au développement des fonds d’investissement : 3 explications

A l’inverse de certaines places financières à la fiscalité avantageuse, le Luxembourg assure un niveau élevé de protection des investisseurs à travers deux organismes, la commission de surveillance du secteur financier, nommée CSSF (organe qui veille à ce que tous les acteurs du secteur financier au Luxembourg respectent intégralement les lois et règlements applicables) et le commissariat aux assurances, nommé CAA (organe officiel luxembourgeois de surveillance du secteur des assurances donnant par exemple examen des demandes d'agrément des entreprises d'assurances).

Cet Etat fut également le premier à transposer les directives européennes relatives aux OPCVM dans la loi du 30 mars 1988 favorisant par exemple la commercialisation de ses produits de placement dans un grand nombre de pays (« passeport européen » par exemple). Cette célérité a permis au Luxembourg d’être en avance sur ces concurrents européens, récupérant de facto les nombreux fonds désirant profiter de cette innovation réglementaire.

Le cadre fiscal est également marqué par la neutralité (absence d’imposition) de la fiscalité sur les fonds d’investissement à l’exception du droit d’apport (taxe sur les apports des investisseurs) et de la taxation des investisseurs et managers.

Des structures d’investissements adaptées aux modes de gestion d’actifs

Une forte flexibilité est donnée aux investisseurs dans la structuration de leurs fonds. A titre d’exemple, sous une seule entité juridique, un seul fond peut créer des compartiments indépendants par leurs stratégies d’investissement et leurs investisseurs. Cela offre une plus grande flexibilité aux gestionnaires.

Le Luxembourg a par ailleurs créé deux autres structures d’investissement répondant à de nouvelles problématiques en termes de diversification, d’endettement et de stratégie d’investissement, notamment pour des produits considérés comme plus risqués : le véhicule SICAR et les fonds d’investissement spécialisés (comme défini par la loi du 1 février 2007).

Le véhicule SICAR (société d’investissement en capital risque) est dédié aux opérations de capital risque et capital investissement. A l’inverse des fonds « grands publics », ce fond n’a pas obligation à respecter le principe de répartition des risques. Ce véhicule bénéficie des conventions de lutte contre les doubles impositions. L’ensemble des versements sous forme de dividendes, de boni de liquidation (profit après liquidation judiciaire) ou autres produits ne sont pas soumis à la retenue à la source et à l’impôt sur la fortune. Par conséquent, les entreprises étrangères n’ont pas de pénalité à créer ce type de véhicule au Luxembourg.

En 2007, le Luxembourg a créé une structure de fonds d’investissement « spécialisés » bénéficiant d’une réglementation plus souple mais seulement accessible aux investisseurs professionnels et privés qualifiés d’avertis. A la différence du SICAR, cette structure d’investissement peut investir dans toutes formes d’actifs (mobilier, monétaire, alternatif, immobilier). En revanche le principe de diversification doit être maintenu. Les publications sont moins strictes que les fonds dits publics. A l’instar du SICAR, la structure n’est pas soumise à l’impôt sur les gains et à l’impôt sur la fortune mais à une taxe d’abonnement annuelle qui représente 0.01% de la valeur nette des actifs détenus. En revanche, les plus-values réalisées par les non-résidents détenteurs de participations importantes sont taxables au Luxembourg. Outre l’aspect fiscal, ce véhicule permet une gestion plus opaque à la manière des hedge funds, qui n’ont quasiment aucune communication à effectuer vis-à-vis du grand public.

Conclusion

La réussite de la place financière du Luxembourg n’est pas seulement due à une faible imposition de ses fonds d’investissement mais plutôt à la mise en place de structures répondant aux besoins des investisseurs et de leurs souscripteurs.

Afin de poursuivre son rayonnement à l’échelle européenne voir mondiale, le Luxembourg développe actuellement des organismes de microfinance et s’évertue à créer  des fonds publics tels que le Fond life science (exclusivement dédié aux technologies biomédicales) et le Luxembourg Future Fund dédié aux activités entrepreneuriales innovatrices. Après être devenue une place financière de renom, le Luxembourg pourrait-elle devenir une place centrale des financements des starts up à l’européenne ?

 

Diplômé de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne en banque et finance, Benjamin Roger est analyste financier en fusion-acquisition. Ses centres d’intérêts portent sur les politiques de croissance et les marchés financiers.

 

Diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Lyon, Loïc Morand est analyste financier en fusion-acquisition. Ses centres d’intérêts portent sur la finance d’entreprise et l’évaluation des actifs financiers.

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