Transformation digitale en temps de Covid-19 (Note)

Utilité de cet article : cet article vise à résumer de manière non exhaustive l’impact de la crise sanitaire sur la transformation digitale des entreprises.

Résumé :

  • La crise sanitaire a confirmé l’importance de la digitalisation dans les entreprises. La Covid-19 est un accélérateur de la transformation digitale dont la solidité a été mise à l’épreuve en temps de confinement.
  • Le besoin urgent d’action face à la pandémie a donné l’opportunité aux entreprises d’innover et d’accélérer leur transformation numérique pour répondre aux effets critiques sur leur activité. Les entreprises qui ont su entreprendre leur transformation digitale avant la crise sont sans surprise celles en mesure de devancer leurs concurrents moins agiles.
  • Néanmoins rapidité doit rimer avec pérennité, or en temps de crise les réponses aux besoins court terme ont été favorisées par rapport à celles du long terme et des risques doivent être considérés.
  • L’incertitude face à l’avenir est une opportunité pour mettre en place des stratégies innovantes de transformation digitale durables en prenant en compte des tendances coté offre et coté demande qui vont rester d’actualité dans le monde d’après.


A l’occasion de la sortie sur le site de BSI Economics de la trilogie d’articles  consacrés à l’économie numérique et la transformation digitale en 2015, les entreprises s’interrogeaient sur la réelle efficacité des nouvelles stratégies de digitalisation et sur l’impact en termes d’amélioration de la productivité globale des facteurs. Aujourd’hui, près de cinq ans après et une pandémie en cours, le constat est que non seulement la transformation digitale a été essentielle avant la Covid-19 pour répondre à une nouvelle demande en adaptant/créant l’offre, et qu’elle est de plus devenue un élément incontournable pour la survie des entreprises, surtout en temps de crise sanitaire.
Jusqu’à présent le chemin vers la transformation digitale des entreprises a été assez différent selon le profil de l’entreprise, sa taille, son secteur d’activité... Néanmoins le concept d’industrie 4.0 et la transformation numérique - avec son lot de changements technologiques, des processus et d’organisation que cela implique - faisaient déjà partie de la réalité des chefs d’entreprise.
Puis la crise sanitaire est arrivée accentuant l’importance de cette transformation numérique, et a mis un coup d’accélérateur aux stratégies déjà en place dans les entreprises. Celles qui ont pu maitriser la digitalisation des processus productifs et organisationnels, qui ont su adapter leurs fonctionnements rapidement et de manière agile tout en priorisant l’humain seront celles qui auront plus d’options sur un marché vulnérable, changeant et incertain.

1) Pandémie et digitalisation : un bref constat
La crise de la Covid-19 a provoqué un choc économique de la demande et de l’offre sans précédent dans l’histoire. La production des entreprises, les investissements, les échanges commerciaux, la consommation des ménages, les institutions… tout a été affecté par l’arrêt brutal de l’activité économique. Pourtant, et ce malgré la situation inédite, un élément stratégique a permis de continuer la plupart des activités de certains secteurs d’activité, notamment le secteur tertiaire : il s’agit de la transformation digitale.
Sujet récurrent dans les stratégies des entreprises depuis plus de deux décennies, une majorité d’entreprises ont entrepris leur transformation digitale, impulsée notamment par à l’accroissement des taux de pénétration de l’internet dans le monde, des nouvelles technologies, des innovations notamment des NTIC, des objets connectés, mais également encouragées par la demande des consommateurs de plus en plus technophiles… autant de raisons qui ont disrupté le marché.
La transformation digitale est devenue une stratégie incontournable et permanente à développer sur le long terme dans les entreprises pour garantir le bon fonctionnement productif et organisationnel, pour répondre aux nouvelles demandes des consommateurs mais également pour proposer la meilleure expérience client pour fidéliser la clientèle.
Du jour au lendemain avec la mise en place du confinement, des millions de personnes ont été contraintes de travailler à distance. Le premier constat a été la décentralisation du travail. Le télétravail a été une aubaine pour les entreprises qui l’ont développé permettant la continuité d’une grande partie de l’activité à distance. Selon l’enquête Acemo réalisée par Dares   les salariés en télétravail en avril 2020 représentaient environ un quart des salariés pendant le premier confinement .
Le télétravail a été plus fréquent dans les secteurs où son développement était répandu avant la crise comme les activités de l’information et de la communication avec 63 % des salariés, les activités financiers et d’assurance avec 55 % des salariés en télétravail.
Selon l’enquête Acemo réalisée par Dares en décembre 2020 , après reconfinement, le télétravail reste important dans ces mêmes secteurs d’activité 55 % et 66 % des salariés respectivement pour la activités financières et d’assurances et l’information communication Il est aussi remarquable dans les activités immobilières (37 %), la fabrication de matériels de transport (31 %) les autres activités de services (25 %), les biens d’équipement (28 %) et les services aux entreprises (34 %). Il est notamment plus important en comparaison au premier confinement dans la fabrication de matériels de transport (31 % fin novembre contre 23 % fin avril) et les transports et entreposage (16 % contre 14 % fin avril), et également moins important dans l’enseignement privé et la santé privée (9 % contre 20 % fin avril). Au total, 22 % des salariés sont en télétravail.



 
Source : BSI Economics, Dares


D’autres éléments ont surgi de ce travail à distance, comme par exemple l’intérêt d’améliorer et de digitaliser des actions aussi simples à faire en présentiel et si complexes à faire à distance comme les processus administratifs, les transactions papier, les opérations quotidiennes considérées « normales » qui ne le sont plus, les voyages d’affaires et les différents réunions et rassemblements des opérationnels.
Même si des questions essentielles comme la capacité des serveurs, le nombre insuffisant de licences VPN, et de cyber sécurité se sont vite posées et restent d’actualité.  
Autre constat, les entreprises de quasiment tous les secteurs d’activité mais notamment celles dont la prise de contact en présentiel avec le client est un point important comme l’immobilier par exemple, se sont retrouvées à « vendre » sans point de vente, et à accélérer leur présence virtuelle.  
La communication avec les clients, la prospection, la fidélisation, le suivi, tout s’est matérialisé du jour au lendemain à la sphère digitale. Les commerçants traditionnels ont dû accélérer leurs stratégies de distribution en intégrant le canal numérique et ce malgré leurs résistances passées pour assurer la pérennité de leur activité et la viabilité de leur modèle.

2) La pandémie un accélérateur de la digitalisation
Le rapport sur la transformation numérique des entreprises et leur stratégie d’engagement client en temps de Covid-19 de Twilio  affirme que la Covid-19 a été l’accélérateur digital de la décennie pour les entreprises.
En effet 97 % du panel de décideurs d’entreprises interrogés  pour l’étude indiquent que la pandémie a accéléré leur transformation numérique.
Si la pandémie nous a forcé à ralentir plusieurs pans de nos vies, ça n’a pas eu le même effet pour les entreprises qui n’ayant pas d’autre choix ont du tout faire pour accélérer leur transformation digitale. Par exemple la stratégie de communication digitale, incontournable pour garantir l’expérience client est devenue un élément vital pour les entreprises. La crise du coronavirus a fait faire un bond de 6 ans en moyenne et de 6,7 ans pour la France en termes de communication digitale, selon Twilio. Ce canal de communication s’est révélé extrêmement important pendant le pic de la pandémie et restera une des principales réponses des entreprises à cette crise sanitaire. 92% des dirigeants interrogés affirment que la transformation de la communication numérique est critique pour faire face aux défis commerciaux survenus avec la Covid-19.
En quelques mois les entreprises ont fait une grande avancée en termes de digitalisation, alors qu’auparavant ces mêmes stratégies prenaient des années pour être déployées. Cette avancée s’explique en dehors de l’urgence de la crise sanitaire par la mise en lumière de « barrières à la transformation digitale» qui ont été brisées.
Un des principaux freins qui a été levé incontestablement est le temps nécessaire pour déployer une stratégie de transformation digitale. En fonction de la taille de l’entreprise, de l’ampleur du changement, et surtout des exigences règlementaires, la transformation digitale est une stratégie planifiée sur plusieurs années, pendant lesquels les besoins changent et les imprévus se présentent.
Il est certain qu’une stratégie de long terme doit s’accompagner indubitablement d’une feuille de route bien établie et un projet clairement détaillé mais il s’est avéré vrai également que des axes de la stratégie de transformation digitale peuvent être lancés sans nuire à la stratégie globale mais au contraire peuvent appuyer son accélération et son déploiement.
Le manque de budget autre frein, souvent cité, a été très vite levé, 79% des dirigeants affirment que la crise sanitaire a encouragé l’augmentation du budget dédié à la transformation digitale. En France un tiers des entreprises interrogées ont vu leur budget dédié à la transformation digitale augmenter considérablement.
Le besoin urgent d’action a donné l’opportunité aux entreprises d’innover et d’accélérer leur transformation numérique pour répondre à la pandémie. Cependant il est également important de mentionner l’autre phase de cette réalité. Une transformation digitale précipitée par la pandémie a mis en lumière quelques faiblesses des stratégies numériques des entreprises où le rôle des collaborateurs est essentiel car ils détiennent la force pour le changement, ils sont les agents de l’innovation et de la transformation.

3) L’humain acteur de la réussite des stratégies de transformation digitale
Selon l’étude d’APPDynamics  la pandémie est un défi pour les organisations en termes d’infrastructures, de développement ou intégration des nouvelles applications, et en termes de sécurité.
Cependant la crise sanitaire a également ajouté une pression supplémentaire sur la main d’œuvre. Ces salariés qui se sont soudainement retrouvés à travailler à domicile, sans la connectivité optimale, sans les appareils et les logiciels pour être plus efficaces, et souvent avec peu de compétences et de connaissances pour résoudre des problèmes.
Evidemment le stress a été le plus ressenti au niveau des départements informatiques, selon le panel  de professionnels des technologies de l’information interrogés, ils subissent la pression de toute part. Entre l’accélération soudaine des projets de transformation numérique, la mobilisation d’un grand nombre de la main-d'œuvre en télétravail, la gestion de la capacité du réseau et de la bande passante, et les exigences de sécurité de l'ensemble du pilier technologique, ils sont sous pression et doivent y répondre efficacement à distance.
61% des employés experts dans l’informatique déclarent se sentir sous une forte pression à cause de l’impact de la Covid-19 sur leurs activités. Ils ont dû s’adapter radicalement pour répondre à un changement de processus des entreprises et surtout à un changement de priorités technologiques. 88 % des technologues rapportent que l'expérience client numérique est désormais la priorité. 64 % d’entre eux effectuent des tâches qu’ils n’avaient pas faites auparavant.
En effet, la pandémie a mis le doigt sur le manque d’effectif spécialisé dans les technologies de l’information, ces technologues experts représentaient seulement 9 % des effectifs des services IT en 2018 selon ce rapport, face à la crise sanitaire le besoin de multiplier le nombre de ces experts a été confirmé car leurs expertises sont incontournables pour mener à bien une transformation digitale particulièrement lorsqu’elle est urgente.
De plus, les délais plus courts pour délivrer les projets n’est pas forcément une garantie de qualité et de pérennité. Bien qu’accélérateur de la transformation digitale, la crise sanitaire a introduit la notion d’urgence. Ainsi face à l’urgence, les projets n’ont pas pu passer par les étapes de validation nécessaires et par conséquent leur solidité est incertaine.
Plus alarmant face à la situation inédite 65 % des technologues déclarent avoir déjà mis en œuvre des projets de transformation numérique au cours de la pandémie qui étaient auparavant considérés comme superflus.
D’ailleurs 59 % admettent passer du temps à gérer les correctifs et à apporter des solutions à court terme aux problèmes technologiques. 76 % des technologues expriment leur préoccupation face à l’impact que les initiatives de transformation numérique implémentées pendant la Covid-19 auront sur le long terme.

4) Digitalisation et Productivité
La Banque de France a publié au mois de novembre 2020 une étude  dont l’objectif principal a été d’apporter un éclairage sur l’impact de l’emploi de spécialistes des Technologies de l’Information et la Communication (TIC) en externe et en interne et de l’utilisation des technologies digitales (via le cloud et du big data) sur la productivité et la part du travail dans la valeur ajoutée des entreprises en France.
Les résultats montrent qu’il y a un impact important de l’emploi des spécialistes des TIC et de l’utilisation des technologies digitales sur la productivité. En effet l’emploi en externe ou interne des spécialistes des TIC améliore la productivité globale des facteurs (PGF) d’une entreprise de 23 %, et l’utilisation du cloud et du big data améliorent la PGF de 17 %.
L’étude souligne également l’existence d’un effet d’apprentissage, l’emploi des spécialistes des TIC et l’utilisation des technologies digitales seraient bénéfiques sur la productivité des entreprises qu’à partir de 5 ans d’utilisation.
Par ailleurs ce sont les  entreprises « late adopters » qui bénéficient indirectement de l’expérience des entreprises « early adopters  » qui font face à des coûts d’appropriation liés à l’adoption en premier des technologies digitales et de l’emploi des spécialistes des TIC.
En revanche les deux éléments ont un impact négatif sur la part du travail dans la valeur ajoutée d’environ 2,5 % chacun. Une explication complémentaire aux caractéristiques de la modélisation  résiderait sur le fait que les TIC et la digitalisation diminuent le pouvoir de négociation des travailleurs. La Banque de France affirme que si cette explication est confirmée nous arrivons alors à une troisième révolution industrielle et technologique.
Bien que l’effet de la pandémie n’a pas pu être étudié dans cette analyse, les experts de la Banque de France suggèrent que l’effet positif (si existant) serait l’accélération de la diffusion des TIC et des technologies digitales dans les entreprises et les ménages.

Conclusion
La crise sanitaire a confirmé l’importance de la digitalisation dans les entreprises de toute taille et secteur, il s’agit d’une stratégie cruciale et non un élément facultatif. L’accélération exponentielle de la transformation digitale des entreprises comme résultante de la Covid-19 vient avec des nouvelles plutôt positives, mais également des risques.
L’accès à la technologie est indispensable, cela a permis non seulement de maintenir une activité professionnelle pour un grand nombre d’entreprises mais cela a surtout permis de garder un contact avec le cercle familial et social dans un moment d’isolement obligatoire.
La rapidité ne doit pas se faire au détriment du risque. La qualité des infrastructures, les compétences humaines et la sécurité sont des éléments indispensables pour garantir la pérennité des telles stratégies de transformation digitale.
Les entreprises doivent désormais se focaliser également sur le long terme. L’incertitude face à l’avenir et le monde d’après Covid-19 est une opportunité pour mettre en place des stratégies innovantes de transformation digitale durables en prenant en compte des tendances coté offre et coté demande qui vont rester d’actualité comme par exemple le télétravail, la digitalisation du service-client, l’e-commerce restera le canal de distribution essentiel, le développement amplifié du libre-service, la livraison sans contact, les services IT externalisés, les dispositifs sanitaires accrus, et l’utilisation de plateformes en ligne.
Des opportunités d’innovation sont présentes et s’avèrent stratégiques pour continuer à opérer dans le monde d’après.

Bibliographie
Dossier Coronavirus BSI Economics
Crise du Coronavirus : Quid des chaînes de valeur, BSI Economics  
The Agents of the Transformation Report 2020 : COVID-19 Special Edition, APPDynamics
 26 certezas que nos déjà el Coronavirus, Transforma Partnering
Covid-19 Digital engagement report, Twilio 2020
Covid-19 is accelerating the rise of digital economy, BDO United States
The Acceleration of Digitization as a Result of COVID-19, Deloitte
Coronavirus : coup d'accélérateur à la transformation digitale, emarketig.fr
Activité et conditions d’emploi de la main-d’œuvre pendant la crise sanitaire Covid-19, Synthèse des résultats de l’enquête flash – avril 2020, Dares-Acemo
Activité et conditions d’emploi de la main-d’œuvre pendant la crise sanitaire Covid-19, Synthèse des résultats de l’enquête flash – décembre 2020, Dares-Acemo

Diplômée de l'Université Paris-Dauphine en Economie Internationale - Diagnostic économique, Gabriela a occupé le poste d’économiste dans plusieurs secteurs d’activité tels que les télécommunications, l’énergie, la banque , le private equity et l’asset management, à la fois pour le compte des grands groupes internationaux et des associations de lobbying financier. Aujourd’hui, Gabriela évolue en tant qu'économiste en entreprise. En étroite collaboration avec la direction, ses études sont des outils d'aide à la décision, à l’identification d’opportunités et de risques afin de contribuer au meilleur positionnement des offres.

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