Attractivité des territoires : le bien vivre, un objectif atteignable ? (Note/Publication)

CYCLE DE RENCONTRES SUR LE SENS DE LA MESURE

« ATTRACTIVITÉ DES TERRITOIRES : LE BIEN VIVRE, UN OBJECTIF ATTEIGNABLE ? » 

Note / Publication

Le présent article a été publié dans la revue Finance&Gestion en version papier en mars 2020.

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La DFCG, en partenariat avec le réseau d'experts comptables Walter France et BSI Economics, organisait cette année un cycle de rencontres «Le sens de la mesure ». Après Bordeaux, Nantes et Lyon, la dernière étape avant l'événement parisien Financium s'est tenue à l'Hôtel Couvent des Minimes à Lille le 4 novembre dernier. Une ultime soirée de débats animée par Olivier Thenon, Vice-Président de la DFCG Hauts-de-France, réunissant des économistes, comptables et directeurs financiers  afin appréhender les nouveaux défis de l'attractivité pour le territoire français. 

 

Anne-Sophie Alsif (économiste BSI Economics et La Fabrique de l'Industrie), Agathe Boindin (Directrice générale de Log’s), Antoine Leduc (Fondateur de la société Leduc Courtage, élu à la CCI Grand Lille et Président des Places Tertiaires) et Eric Mériaux (Président de Looten et Président de la DFCG Hauts-de-France) ont échangé à tour de rôle avec les participants pour apporter des éléments de réponse. 

Troisième puissance industrielle à l’échelle européenne, derrière l'Allemagne et l'Italie, la France maintient une spécialisation dans les domaines tels que la chimie, l'électronique, le luxe, les transports, la métallurgie, ou encore l'automobile. Le processus de tertiarisation de l'économie française s'est affirmé à partir des années 80, à la suite des chocs pétroliers et visait à délocaliser progressivement les activités à faible valeur ajoutée dans des pays à faible coûts de main d'œuvre. La désindustrialisation de l'économie était alors perçue, comme une étape nécessaire au développement des marché et consommations intérieurs, tout en conservant des revenus relativement élevés. L’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) relève qu'en moyenne, depuis 1978, 150 000 postes sont créés chaque année dans les services marchands pour 60 000 détruits dans l'industrie. 

En somme, les politiques libérales initiées par Ronald Reagan (Etats-Unis) et Margaret Thatcher (Royaume-Uni) ont encouragé l’ouverture des économies ainsi que l'intégration des pays émergents sur les marchés mondiaux. Ces nouveaux entrants ont rapidement pris des parts de marché dans des secteurs où la France reste sur un niveau de gamme intermédiaire et des coûts assez élevés. A l'inverse, l'Allemagne a privilégié la montée en gamme dans ces secteurs, comme l'automobile, la chimie et l'électronique. Ce phénomène de croissance globale a également bénéficié à l'Allemagne, de par son marché de niche sur les machines-outils répondant à une demande mondiale importante. À l’échelle régionale, l'intégration des pays de l’Est a facilité les délocalisations des activités d’assemblage entre autres, grâce à une main d’œuvre bon marché.

Difficile pour l’industrie française de rester attractive dans un contexte aussi compétitif. Or, en s’attardant sur la contribution du secteur industriel au produit intérieur brut français, on note qu’elle dépasse largement celle de la filière R&D encore aujourd’hui. Au demeurant, la vague Industrie 4.0, qui promeut la robotisation de la chaîne de production, apparaît comme une véritable opportunité pour le secteur secondaire français. Outre une productivité accrue, l’automatisation des processus permet la création de nombreux emplois, notamment des ingénieurs et autres opérateurs capables de manipuler ces nouvelles machines. « Les régions qui ont privilégié une remise à niveau via une formation exigeante sont celles aussi celles qui ont pu attirer des industriels, » atteste Anne-Sophie Alsif, économiste chez BSI Economics et la Fabrique de l'Industrie. 

Au cœur de cette mutation globale se trouve la  difficulté de former une main-d’œuvre adaptée aux besoins du marché actuel. Dans quelle mesure l’Industrie 4.0 peut-elle bénéficier au secteur secondaire français ? Comment la France peut-elle renouer avec l’attractivité de sa filière industrielle ?  

La question de l'optimisation de l’attractivité territoriale passe d’abord par une convergence des actions et des politiques des différents acteurs locaux. « La condition sine qua non est le rapprochement des mondes, c’est-à-dire de rapprocher l’économie, la politique, l’universitaire et l’institutionnel, » allègue  Antoine Leduc, Fondateur de la société Leduc Courtage. En offrant aussi bien des perspectives de carrières intéressantes qu’un cadre de vie équilibré, les régions devraient garantir une situation pérenne à sa main d’œuvre qui limiterait sa mobilité géographique. À l’échelle nationale, le gouvernement se doit d’offrir, selon lui, des conditions favorables à l'entreprenariat avec une fiscalité clémente et une normalisation allégée. Autre point fondamental, introduire davantage d’entreprises du secteur tertiaire supérieur permettrait de varier la gamme de services proposée aux entreprises locales et gagner ainsi en attractivité. Outre son accompagnement dans la transformation digitale, le tertiaire supérieur s’avère très porteur avec un taux de croissance annuel de l'ordre de 4 %. 

Pour Olivier Thenon, Vice-Président de la DFCG Hauts-de-France, la décentralisation est un enjeu clé. Malgré plusieurs politiques en sa faveur depuis 1982, le tissu tertiaire continue encore en 2019 de se concentrer à Paris, et ce malgré des pôles de formations performants en province. À ce titre, la formation apparaît également comme un levier essentiel pour répondre à un double enjeu: d’une part, accompagner la transformation digitale et d’autre part, lutter contre les poches de pauvreté et l’exclusion. Créer un lien fort et durable entre l’enseignement supérieur et les besoins du marché du travail local permettrait de générer une dynamique encline à des gains de productivité.

La France bénéficie aujourd’hui d’un écosystème unique très favorable à la recherche. Eric Mériaux, Président de la DFCG Hauts-de-France, n’a pas manqué de souligner la création de huit centres d’innovation accompagnant les entreprises innovantes, à l’instar d’EuraTechnologies, un incubateur de start-ups qui offre à 300 entreprises un espace de 80 000 m2. Néanmoins, plusieurs points d’amélioration subsistent. Pour Agathe Boindin, Directrice générale de Log’s, un groupe familial de stockage et de logistique,il est primordial d'amoindrir la dichotomie entre l’innovation pratique et l’innovation théorique. Un meilleur accompagnement des PME dans la R&D par le biais d’une segmentation plus précise au sein de l’entreprise permettrait d’encourager l’investissement dans ce domaine. Plus qu’un gain de productivité, l’innovation apparaît comme une nécessité pour l’entreprise selon Antoine Leduc : « Une entreprise qui n’innove pas en 2019, c’est une entreprise qui sera condamnée dans les 5 prochaines années. »

Marine Coinon. Directrice Exécutive / Économiste, BSI Economics

Caroline Perrin. Responsable de la communication, BSI Economics

Crédits photo : Finance&Gestion, DFCG (Mars 2020)

Diplômée de la Toulouse School of Economics et de l'Université Paris II Panthéon-Assas, Marine Coinon prépare une thèse à l'Université Bourgogne Franche-Comté sur l'évaluation des politiques agricoles et environnementales. Elle est également enseignante-chercheur à la Toulouse School of Economics, Université Toulouse 1 Capitole. Ses principaux centres d'intérêt portent sur l'économie de l'environnement et des ressources naturelles. Marine Coinon est membre du Comité d'orientation et d'éthique. 

 

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